Camille Cottin, la drôle de connasse

, par  Alexandre Comte , popularité : 2%

Incarner une connasse avec autant de naturel, c’est presque inquiétant. La Parisienne jouée par Camille Cottin est grossière, sans-gêne, égocentrique, méchante. Qu’elle visite un appartement, boive un café ou fasse du shopping, elle a toujours le mot pour déplaire.

Bien entendu c’est hilarant. Et parfois, un peu gênant. Caméra cachée oblige : Camille Cottin va à la rencontre de vraies gens, estomaqués par sa muflerie. “Y a des maladies de type Téléthon dans ta famille ?” demande-t-elle à un prétendant lors d’un speed dating. Ou encore, dans une animalerie : “Si j’en ai marre, je peux m’en faire une écharpe, c’est doux le chinchilla.” Eloïse Sang, l’une des deux réalisatrices du programme, rassure : “C’est un vrai travail de composition.” Ouf. En vrai, Camille Cottin est charmante.

“On ne demande pas son âge à une actrice”

Depuis trois ans, elle fait partie de la troupe de théâtre de Pierre Palmade. L’acteur ne tarit pas d’éloges sur sa protégée : “Je vois la comédienne, pas la déconneuse. En plus du culot, il y a un travail artistique. Camille sait tout jouer, le comique, le dramatique, le tragique.” Il lui a donné quelques conseils pour gérer l’exposition médiatique. 1. Ne pas se prendre au jeu de son personnage. 2. Ne pas essayer d’être drôle à tout prix. 3. Ne pas dire de saloperies sur les autres.

“Elle prend un grand plaisir à faire le buzz mais elle se demande à quelle sauce elle va être mangée”, explique-t-il. Elle arrive en interview chaperonnée par une attachée de presse. Elle s’inquiète parfois : “Je ne sais pas si je devrais dire ça… Non, rien…” Elle nous fait jurer sur la tête de notre mère qu’on n’écrira pas son âge et nous rappelle le lendemain, à moitié paniquée, parce qu’on a interrogé ses proches sur les raisons de cette pudeur. Elle est pourtant plutôt très jeune, mais elle explique : “Dans ce métier on te classe vite dans une catégorie.” Eloïse Lang ajoute : “L’écran de fumée sur l’âge, c’est une problématique de comédienne, la terreur de passer à côté d’un rôle.” Pierre Palmade clôt le débat en gentleman : “On ne demande pas son âge à une actrice.”

Prof d’anglais le jour, comédienne la nuit

La comédie, elle la pratique depuis l’enfance, depuis les spectacles improvisés dans le grenier des cousins, ou chez ses parents à Boulogne-Billancourt. A 12 ans, elle s’installe à Londres avec sa mère et son beau-père, analyste financier. Maman s’occupe d’un club de théâtre et monte une pièce sur la guerre de Troie. “Je jouais Hélène et mon amoureux devait être joué par un beau gosse. Mais il s’est désisté et c’est ma mère qui l’a remplacé. J’ai un peu pleuré.” Après un stage de théâtre en Californie (“J’allais à peine en classe, on allait fumer des joints à la piscine du campus, j’avais 18 ans…”), elle revient en France et s’inscrit aux cours Périmony. Débute le parcours classique d’une aspirante comédienne, avec ses joies et ses galères.

Elle dit : « C’est long, l’apprentissage. J’ai mis du temps à comprendre ce que c’est que jouer. Au début, tu fantasmes la notoriété. Puis tu te retrouves sur scène, t’es complètement québlo, et là tu réalises que c’est un métier, qu’il va falloir travailler. »

Sur les recommandations de ses parents, elle assure ses arrières en obtenant une maîtrise d’anglais. Pendant quelques années, elle mène une double vie : prof au collège le jour, comédienne au théâtre le soir. Elle ne regrette rien : “Moi, célèbre à vingt ans, ça aurait été un désastre de futilité ! Je serais devenue Paris Hilton.”

Les années passent, riches d’expériences. Elle fait le deuil de la notoriété. “ Ce n’est pas grave, on l’accepte et on fantasme le métier autrement. Le désir profond, c’est jouer : varier les plaisirs, rencontrer des gens intéressants, travailler au maximum.” Elle multiplie les projets au théâtre, joue dans des courts-métrages, cachetonne en acceptant des pubs, du doublage ou des petits rôles dans des téléfilms. Elle apparaît même dans une production de Luc Besson, Yamakasi, d’Ariel Zeitoun. Malheureusement, lui dit-on, on n’a pas vu le film. “Attends je peux te refaire la scène… ”. Elle prend une grande inspiration. “Jamel, non ?” Pause. “Voilà, t’as pas vu le film mais tu m’as vue.”

En dépit des petites frustrations, ces cachets lui permettent de laisser tomber l’enseignement. Tant mieux pour ses élèves : “J’étais une mauvaise prof, pas du tout pédagogue”, rigole-t-elle. Elle intègre la troupe à Palmade en 2010. Fin 2012, elle se présente au casting de “Connasse”.

“Elle va en inspirer plus d’un”

Elle s’est imposée. Noémie Saglio, co-auteure du programme, a flashé tout de suite : “On a vu des pétasses, ça ne marchait pas. La Connasse, c’était elle. Les comédiennes françaises sont souvent trop intellectualisantes. Camille est tout sauf bête mais elle ne se prend pas la tête, c’est son corps qui répond. On sent qu’elle a été formée par le théâtre.” Son acolyte Eloïse Lang appuie : “Elle a un naturel désarmant, un talent de malade. Depuis que je la connais, je me demande pourquoi un joyau comme ça n’a pas été découvert avant.”

De son côté, Camille Cottin se réjouit du succès du programme (qui tourne un max sur les réseaux sociaux) mais garde la tête froide.

“Je sais que ça peut s’arrêter, c’est un métier chelou, tu peux rétrograder. Dans un an, je serais peut-être chez moi en train de m’empiffrer parce que personne ne m’appelle. Ou alors je te dirai que je suis overbookée et que je n’ai pas le temps de répondre à tes questions de merde.”

On rigole. Camille Cottin n’a pas connu la gloire à vingt ans, mais l’avenir lui appartient plus que jamais. “Elle va en inspirer plus d’un”, prédit Noémie Saglio. Elle est prête. Si l’actrice est sans âge, son jeu est mûr à point. Camille sourit : “Tu sais, je suis très jeune, mais j’ai beaucoup d’expérience.” Elle ajoute un clin d’œil.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/11/0...

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