Cavanna, 1923 – 2014

, par  Serge Kaganski , popularité : 1%

François Cavanna en 2008 (Reuters/Jean-Paul Pelissier)

Cavanna, c’était avant tout un visage qui appelait la caricature : crinière argentée, moustache gauloise, une trogne immuable, stylisée, qu’on aurait facilement imaginée dans un album d’Astérix ou une case de Cabu. Derrière cette forte tronche pulsait une voix, une personnalité, un état d’esprit libres, sinon libertaires.

Cavanna restera comme l’un des membres fondateurs de l’aventure Hara Kiri-Charlie Hebdo, une des grandes sagas de la presse de ces cinquante dernières années. A côté des potaches manieurs de crayons (Wolinski, Reiser, Gébé, Siné, Cabu…) et de l’anarcho-caca-prout-fesses professeur Choron, Cavanna faisait figure de “sérieux” de la bande : celui qui écrivait, chroniquait, éditorialisait, donnait un peu de sens et d’articulation à la ligne libertaire du canard – tellement libertaire d’ailleurs, que plusieurs lignes s’y entrecroisaient dans un joyeux foutoir déconnant qui était le ciment fédérateur de toutes ces personnalités. Un peu anar, très attaché néanmoins à la République qui avait accueilli et intégré ses ritals de parents, amoureux de la langue française, Cavanna rendait bien hommage à cette dernière avec son style ciselé, gouailleur, intégrant l’argot, les tournures populaires, le tutoiement.

Des pages bordéliques de Hara et Charlie à l’édition, il n’y avait qu’un pas naturel : une bonne douzaine d’ouvrages à son actif, dont Les Ritals, chronique de sa jeunesse de fils d’immigrés dans le Val de Marne, puis Les Russkoffs, récit de ses années de guerre passées de force au STO. En 1976, il avait aussi publié Stop crève, manifeste contre la mort. Cavanna vient donc de déposer les armes de ce combat perdu d’avance.

Qu’il n’ait pas réussi à terrasser la mort à l’âge de 90 ans est dans l’ordre des choses. Plus grave, d’autres combats qu’il a menés tout au long de sa vie sont en train, sinon de s’effondrer, d’être malmenés par le retour des vents mauvais de la réaction et de la peste brune. La disparition de celui qui enrageait contre la connerie sonne comme un symbole au moment où les cons de toutes obédiences se sentent pousser des ailes.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2014/01/3...

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