Cesaria Evora, toujours là

, par  Stéphane Deschamps , popularité : 2%

CesariaEvora

Si le bateau coule, c’est un coup dur pour la musique capverdienne. À bord de l’Armas, qui assure l’heure de traversée entre les îles de São Vincente et Santo Antão, tous les chanteurs capverdiens ou presque : Teófilo Chantre, Sara Tavares, Lura, Nancy Vieira, la revenante Jacqueline Fortes, le ministre de la Culture (et néanmoins chanteur) Mário Lúcio et beaucoup d’autres… Et les sympathisants, voisins du continent africain que le vent de la morna a poussés jusqu’ici : Bonga, Ismaël Lo, Sia Tolno. Et Bernard Lavilliers. Et le groupe de Cesaria Evora, bien sûr. Une grande famille réunie pour un dernier hommage.

La patronne a jeté l’ancre un an plus tôt, le 17 décembre. Elle repose au cimetière de Mindelo, enterrée avec sa mère sous un monticule de fleurs en plastique. C’est elle qui avait voulu ce concert gratuit à Santo Antão (l’île de naissance de sa mère), pour fêter ses 70 ans avec ses amis musiciens. José Da Silva, patron du label Lusafrica, l’homme qui a lancé la carrière internationale de Cesaria (“Cize” pour les intimes) et l’a accompagnée jusqu’au bout, exauce aujourd’hui le voeu de son amie défunte. Sur le bateau, des gars sortent déjà des instruments, histoire d’accompagner le tangage et de conjurer le mal de mer. Ce n’est pas le Titanic, c’est l’Armas, en route vers l’exploit.

Les habitants de Santo Antão n’ont jamais vu ça. La seule terre verte du Cap-Vert, à vrai dire ni cap ni vert, mais archipel de dix petites îles (dont une déserte) cramées par le soleil et le vent. Le bateau arrive par le sud, et on prend la petite route qui traverse l’île. Direction Ribeira da Torre, au nord, dans un décor à couper le souffle – un désert montagneux qui verdit et se met à ressembler à la cordillère des Andes à mesure que l’on grimpe vers l’intérieur des terres.

Pour les habitants de Santo Antão, c’est bien le Pérou : le premier concert de cette envergure sur leur île isolée, au fond d’une ravine abrupte, au bout du monde. Certains sont arrivés dès les balances. Une femme endimanchée, robe blanche et fleur dans les cheveux, danse pieds nus comme une folle devant la scène, yeux révulsés, et crie des prières vers le ciel. La nuit est tombée dans la vallée. Pas de chance, peu après le début du concert, c’est le générateur électrique qui tombe, en panne. Trois heures plus tard, c’est réparé. La musique reprend. Sur cette île vouée au trekking, l’hommage à Cesaria devient un marathon, qui durera jusqu’au matin. Pas de tristesse dans l’hommage, mais de l’émotion, de la bienveillance et de la patience, vertu indispensable au Cap-Vert.

Retour à Mindelo, la veille de la date anniversaire de la mort de Cesaria Evora. Une docte assemblée de politiques et d’acteurs culturels se réunit, pour annoncer que le Cap-Vert entre dans la course pour le classement de la morna au patrimoine mondial de l’Unesco. Vingt ans après le début du succès de Cesaria Evora. Un jour peut-être, la maison de Cesaria deviendra un musée, si politiques et héritiers s’entendent.

Mais en attendant, c’est encore le label Lusafrica qui va honorer le souvenir de la diva et l’héritage de la morna. Le 4 février d’abord, avec le premier album de Zé Luis, un menuisier de 59 ans, chantre d’une morna traditionnelle, dont la voix exceptionnelle va faire chavirer les coeurs. Et un mois plus tard avec Mãe Carinhosa, un album de treize chansons inédites de Cize.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/01/0...

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