Comme on nous parle (mal) de la PMA

, par  Anne Laffeter , popularité : 1%

Mardi 12 février, j’allume France Inter et tombe sur Comme on nous parle de Pascale Clark. Chouette, l’émission traite de la PMA (procréation médicalement assistée) parfois aussi nommée AMP (assistance médicale à la procréation). Ça vous saoule déjà ? Oui, les acronymes médicaux, c’est répulsif, je sais. Je rends donc grâce à Pascale Clark d’aborder cette thématique jugée aride par la majorité des auditoires. Elle présente ses deux invités. Il y a Jacques Testart, 74 ans, un des “pères” d’Amandine, premier bébé éprouvette né en France il y a tout de même 31 ans, soit en 1982. Le deuxième invité est le socialiste Gérard Filoche, 67 ans. En croquant dans ma tartine à la confiture de myrtille bio (“naturelle” quoi) mon enthousiasme se dissipe. Traitez moi d’insupportable féministe si l’envie vous en prend, j’assume, mais discuter d’une question comme la PMA sans inviter de femme, c’est pas super malin.

Testart déroule son argumentaire… pour le moins déroutant. Le biologiste apôtre de la décroissance explique ne pas être en soi contre la PMA – même pour les couples de femmes ou les femmes seules – mais contre la “médicalisation” de l’acte. Il défend “l’assistance conviviale à la procréation” : qu’un homme se masturbe dans un verre et qu’une femme injecte son sperme avec une seringue dans son vagin ou celui de sa compagne, no problemo. Chacun est libre de se “débrouiller”, “pas besoin de spécialistes, on peut faire les choses dans la convivialité, dans la transparence, plutôt que de se livrer aux mains froides de techniciens”. Traduction : si vous faites ça entre vous, bien planqués, “naturellement”, no problemo. Parce que les “mains froides de techniciens”, bouh, ça fait flipper… presque autant que “la main invisible du marché”. Pendant une heure sur France Inter, Testart nous vend Bienvenu à Gattaca. Pour lui, ouvrir la PMA = GPA = “eugénisme”. “Si une personne seule demande à être clonée ?”, interpelle-t-il une Pascale Clark dépassée. Il continue : “Au Japon, une expérience a montré qu’on peut faire des souris à partir de deux souris mâles, ça va donner des idées à nos homosexuels (…).”

En face, Filoche est sympatoche. Lui, il est pour la PMA. L’inspecteur du travail raconte son histoire. Dans les années 1970, sa compagne lui fait savoir qu’un couple d’amies lesbiennes souhaite faire un enfant. Il se propose. En bon soixante-huitard libertaire, c’est bien “naturel”. D’ailleurs, le Filoche laisse entendre que leur fille a été faite de façon “naturelle” – le zizi dans le zizi quoi. C’était “simple”, “évident”, “convivial”, “humain”. A l’inverse de… Mais à l’inverse de quoi exactement ? A l’inverse de ces milliers de femmes, seules, en couple homo ou hétéro qui partent à l’étranger se faire inséminer par des “mains froides” et engendrer de façon inhumaine ? Où sont-elles, où sont-ils ? On aimerait les entendre ces couples et ces femmes parler de leur expérience du Pôle nord.

Mais sur le plateau de Pascale Clark, on a un Testart qui déroule à la coule sa philosophie néo naturaliste hallucinante et un Filoche qui raconte son histoire, certes sympa, mais directement importée des années 70. On écoute la radio et on hallucine d’être aussi loin de 2013. Quand on éteint l’émission, on se dit que les novices retiendront une belle morale : “Pourquoi les femmes, lesbiennes ou non, nous font-elles chier avec leur histoire de PMA, alors qu’il est si simple d’aller en boîte de nuit, de commander deux trois rhums coca et de se laisser un peu aller.” On hallucine, alors que la gauche louvoie sur la question, divisée, que l’émission Comme on nous parle relaie de telles inepties et passe à côté du débat. Ça fout le bourdon. Pour se consoler, on commande l’intégrale d’Elisabeth Badinter sur Amazon, on rejette sa tartine bio et on trempe ses doigts dans le Nutella. Sans culpabiliser.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/02/1...

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