« Comment j’aide les réfugiés ? Suis-moi, tu verras. »

, par  mduquesne , popularité : 1%

« – Tu fais quoi en ce moment ?

– J’aide une famille de réfugiés.

– Ah, et ça consiste en quoi exactement ?

– Viens avec moi, tu verras par toi-même.  »

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Rendez-vous à 13h à Gare de Lyon avec Seven . RER A, direction Champigny-sur-Marne. Pendant le trajet, celui qui se décrit comme « juste un type normal, un artiste » m’explique son parcours. Un jour, il est passé à côté d’un camp de réfugiés à Paris : « J’ai une faculté : je suis un frère pour eux. Je suis noir. Un réfugié soudanais m’a demandé de partager sa situation, de m’asseoir avec lui et de dormir sur un carton. Ça, c’est de l’aide pour eux. C’est plus important que le travail des associations. Ils ont surtout besoin d’un soutien moral. »

Samedi soir, Seven est resté jusqu’à 4h du matin avec des réfugiés dans le camp de Stalingrad qui a accueilli les migrants de Calais. Parmi eux, un jeune Somalien de 19 ans. En Somalie où il a fui la menace shebab, jamais ce jeune homme n’a dormi dans la rue. Mais voilà 3 ans qu’il est en France et toujours dehors. Son père, avec qui il s’est exilé à l’âge de 15 ans, a refondé sa famille en France avant de l’abandonner. Lorsque Seven l’a retrouvé samedi soir, le jeune somalien était saoul. Et puis, il y a eu ce moment où il a éclaté en sanglots. « C’est parce qu’il est tellement triste, qu’il se bourre la gueule. Dans ces moment-là, la présence de quelqu’un, c’est le plus important. Ils ont besoin qu’on partage leurs souffrances.

Personne ne leur parle pour de vrai.

 »

Pour les aider, Seven fait de la récupération de nourriture. Cet après-midi, il a par exemple ramené un sac rempli de Bretzels pour la famille afghane que nous rejoignons : « Si les Enfoirés faisaient vraiment comme Coluche, le monde tournerait plus rond. Beaucoup de gens peuvent faire beaucoup de choses. Je veux sensibiliser les autres. Avec ce sac, j’ai de quoi nourrir dix personnes ! »

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Seven est très critique sur le travail des associations qui aident les réfugiés : « On n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Certains viennent ici pour se glorifier. Les réfugiés en ont conscience. Ils n’aiment pas se sentir utilisés. Quand tu aides, il y a toujours un intérêt. Se sentir bien, trouver des amis. Pour certaines filles, se taper des mecs. Pour ceux qui sont engagés politiquement, c’est pour les récupérer à leur cause. Et même pas pour la cause, finalement, c’est plutôt pour eux-mêmes.  »

Pour Seven, le bénévolat n’arrive jamais dans une vie par hasard : « C’est de l’affectif, tu ne comptes pas tes heures. Pour s’engager, il faut avoir un petit problème dans sa vie. Il faut en avoir conscience et savoir le dépasser. Moi, mon problème, c’est que je veux changer le monde. J’ai conscience de ma couleur de peau. A 11 ans, j’ai découvert le racisme. Un truc était cassé, dans mon immeuble et la concierge m’a dit ; « Pars vite, je vais appeler la police ! » Je ne comprenais pas : j’étais un bon garçon, j’allais à l’école… J’ai compris très vite ce qu’était un regard malveillant.

Je ne dis pas que je comprends les réfugiés, mais je sais ce que c’est que d’être mis de côté.  »

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Avec son air de Basquiat, Seven aussi trouve son intérêt à aider les autres : « Moi, je dessine. Tout mon travail tourne autour d’eux : j’appelle cela l’art des réfugiés. Je vais dormir avec eux pour les comprendre. Je suis dans une démarche artistique, de compréhension, de partage. J’essaye de voir à quelle hauteur je peux les aider. Pour eux, je suis un réfugié, je suis soudanais. Je peux m’asseoir avec eux, ils se confient à moi. »

Arrivés à Champigny-sur-Marne, il faut désormais attendre le bus. Il arrive dans 20 minutes. Sur le trottoir d’en face, des hommes demandent à Seven de les aider à pousser leur voiture qui ne démarre plus. « Tu vois, ça, c’est l’histoire de ma vie. Les gens ont besoin d’aide. Je ne suis pas un enfoiré. Je ne suis pas encore un évadé fiscal. On me demande de pousser la voiture parce que ça se voit sur ma tête que je connais la galère.

 »

Le bus arrive enfin, on fait quelques stations. Et là, il faut encore marcher 5, 10 minutes. « Tu imagines cette famille, elle fait tout ce trajet avec les quatre enfants. A chaque fois, ils déménagent toute leur vie, réunie dans trois ou quatre valises. On les balade d’hôtel en hôtel. Le 115 leur envoie un texto pour leur dire où aller. Ils ne parlent même pas français ! Et le pire, c’est qu’on les envoie toujours dans des zones industrielles, là où personne ne veut aller.  »

Dans le monde du bénévolat, les familles sont les causes perdues, selon Seven : « Ça n’intéresse personne de les aider. Il n’y a pas de solution pour eux. Et puis, c’est pas les migrants qu’on voit à la télé.  » A l’hôtel, la famille n’est pas dans sa chambre. Le réceptionniste, qui travaille ici depuis deux jours, nous dit qu’il les a vus partir dehors, il y a quelques minutes. On part dans les parcs des environs pour les chercher.

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Dans le parc, Seven me raconte l’une de ses rencontres avec des réfugiés. Il travaillait dans un squat du 12ème arrondissement de Paris, de 120 m2. Des réfugiés camerounais-congolais sont venus. Seven a les mêmes origines africaines : « Ils m’ont dit : « On a traversé la Méditerranée, certains de nos potes sont morts, on a franchi des murs en Espagne, on est passé par des centres de rétention et on est là, face à toi. » Et moi, j’étais dans une démarche bobo. Je me suis dit que j’aurais pu être eux. J’aurais pu être né de l’autre côté de la mer. Je m’en suis voulu d’être moi. J’étais en train de devenir un connard. Alors j’ai fait un grand tableau : la fuite des migrants. »

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« Mon dernier dessin représente deux enfants qui ont un sac d’école. Ils regardent le ciel et au milieu des étoiles, il y a des kalach’ qui tombent. Tout cela vient de discussion que j’ai eu avec des réfugiés. Je m’exprime pour eux. »

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En janvier, Seven a organisé et coordonné six graffeurs pour réaliser « le mur des exilés », place de la République, à Paris. Il a par exemple rencontré Reshad, un jeune réfugié afghan, qui était comédien et chanteur en Afghanistan. Véritable célébrité là-bas, sa liberté de parole a fini par agacer et il a reçu des menaces. Il a donc du fuir son pays et est arrivé en France le 30 décembre dernier. Lors de son premier trajet dans les transports parisiens, il a fraudé et s’est retrouvé pendant deux semaines en centre de rétention. Ensuite, il a dormi dans la rue. Reshad expliquait à Seven : « 

Je dors dehors, dans la rue, et mes fans en Afghanistan pensent que je dors dans un hôtel 4 étoiles. La vérité c’est que j’ai perdu 10 kilos. »

Nous cherchons toujours la famille afghane, mais elle n’est pas dans les parcs. Nous retournons à l’hôtel. Là, une femme rentre et se dirige à l’accueil :

« – Bonjour, je cherche un famille de réfugiés syriens… J’ai des habits et des jouets pour les enfants à leur donner. Où puis-je les trouver ?

– Mais vous connaissez leur nom ? Parce qu’on a deux familles syriennes. Vous travaillez pour quelle association ?

– Je ne connais pas leur nom ni celui de l’association. Je suis juste une bénévole. On m’a dit qu’il y avait des réfugiés ici alors je suis venue pour les aider.  »

Seven reprend : «  Tu vois, ça commence toujours comme ça. Elle est là, elle ne sait pas qui elle vient aider exactement, mais elle est là. Elle n’attend rien. Les réfugiés ont besoin de gens comme ça. Les associations ne viennent pas jusqu’ici, mais ils envoient ceux qui ont du cœur. »

Finalement, la famille afghane arrive. Les enfants sautent dans les bras de Seven. Les parents sont heureux de le voir. Ils nous reçoivent dans la chambre des enfants. Ils nous offrent le thé et nous proposent tout ce qu’ils ont : des gâteaux, des bonbons. Said, le papa, sort son téléphone. Il veut nous montrer son pays.

Première vidéo  : une femme fouettée en public. Son crime ? Etre sortie faire des courses sans être accompagnée d’un homme.

Deuxième vidéo : une dizaine de corps inanimés, allongés les uns à côté des autres. Ce sont tous des membres de la famille de Said. Les talibans sont venus en pleine nuit et les ont tous massacrés.

Troisième vidéo : les funérailles de la famille de Said.

Ce couple et ces quatre enfants ont quitté l’Afghanistan, puis sont passés par l’Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne, la Suède (là, ils s’étaient trompés de train…) et enfin, ils sont arrivés en France. Le tout, en l’espace de dix mois.

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Said montre à Seven leur dossier de demandeur d’asile. C’est l’artiste parisien qui les a accompagnés dans toutes leurs démarches. Dans le dossier, on voit qu’ils ont des bons pour aller au Resto du Cœur, en plein cœur de Paris. Mais c’est bien trop compliqué de se rendre à Paris, alors ils se débrouillent avec ce qu’ils trouvent à Champigny.

Le père a un ulcère et des problèmes au genou. Il exprime, avec des gestes, que voir Seven lui calme son ulcère. Il s’accroche à lui et ne cesse de dire que Seven est « Good, good » et qu’il fait partie de la famille. Les enfants veulent voir la Tour Eiffel. Le père, lui, veut visiter l’Eglise de Champigny pour envoyer une photo à sa famille restée en Afghanistan. En feuilletant le dossier, Seven remarque qu’ils ont un rendez-vous le lendemain, pour l’avancée de leurs papiers. Seven leur promet de revenir lundi pour les y emmener. Cette famille n’attend qu’une chose : trouver un logement fixe, qui leur permettra de pouvoir envoyer leurs enfants à l’école. Ils veulent juste une deuxième chance.

Seven conclut : « Voilà, c’est ça aider des réfugiés. Finalement, ce ne sont que de petites choses simples. »

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