Comment le Financial Times s’adapte au monde digital (numérique) du XXIème siècle

, par  Quatremer , popularité : 2%

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A l’heure où Libération traverse une grave crise, comme vous l’avez appris par ailleurs (voir mes contributions au débat sur Facebook et Twitter), il m’a semblé important de porter à votre connaissance ce texte de Lionel Barber, ex-correspondant à Bruxelles, et actuel patron du Financial Times, rendu public en octobre dernier. La rédaction est toute entière mobilisée autour de ce projet passionnant dont, à mon sens, Libération devrait s’inspirer. Il faut savoir que, désormais, le journal papier va boucler à 19 heures... Bonne lecture !

« Nous sommes maintenant prêts à entamer les prochaines étapes de notre stratégie à succès "priorité au digital" (numérique me dit Twitter, NDJQ). Cette dernière est une opportunité passionnante mais également un défi pour tous les journalistes du Financial Times. Elle implique des changements dans la manière de travailler, un redéploiement plus grand encore de ressources vers ft.com et un re-façonnage significatif du journal papier.

Notre intention est de lancer dans la première moitié de 2014 une édition unique, un produit papier global. Le nouveau FT sera re-dessiné et mis à jour afin de refléter au mieux les goûts modernes et les nouvelles habitudes de lecture. Il continuera d’être une source d’autorité et de qualité en délivrant une combinaison puissante de mots, photos et données afin d’expliquer les dossiers les plus importants du jour.

Le nouveau FT sera un meilleur journal, assis dans son époque. Source de revenus publicitaires et de diffusion importants, il restera une part vitale de nos affaires. Mais, et c’est un point crucial, il sera produit de manière différente et simplifiée. Les changements toucheront la structure de la rédaction — et la façon dont nous pratiquons le journalisme.

Voici quelques repères :

Premièrement, le processus de publication style années 1970 du journal — faire des modifications graduelles à de multiples éditions durant la nuit — est mort. Dans le futur, notre produit papier sera le dérivé de ce qui est offert en ligne et non le contraire. Le nouveau FT sera fait par une petite équipe dédiée au papier qui travaillera main dans la main avec une équipe de jour plus importante qui gérera le web.

RTR2RLKGDeuxièmement, la structure de l’édition unique que nous prévoyons de faire, peut-être un journal à section unique, implique de minimiser le plus possible les changements de fin de soirée et de prévoir plus en amont la mise en page des feuilles standards. Nous garderons cependant de la flexibilité pour l’édition britannique avec des pages spéciales d’actualité locales. Notre principal effort de graphisme se concentrera sur des "pages visuelles explicatives (show pages)" accompagnées de données conséquentes et de graphiques.

Troisièmement, le rôle de nos rédacteurs en chefs et journalistes sera de moins en moins d’assembler les nouvelles de manière réactive mais s’orientera plus vers la mise en avant de la valeur ajoutée de "l’actualité en contexte", et ce, en restant fidèle à l’esprit original du journalisme d’investigation. Ce seront aux rédacteurs en chef de prévoir les articles à l’avance et de les commander en conséquence pour le papier et le web. Cela demandera un changement de mentalité pour les rédacteurs en chefs et journalistes, mais dans le monde digital dans lequel nous vivons, c’est résolument la direction à suivre.

Dans l’ensemble, ces changements signifient qu’une grosse partie du journal sera préparée et produite à l’avance. Les journalistes de production publieront des nouvelles répondant aux pics de visites sur le web plutôt qu’aux anciennes deadlines papiers. Le processus sera semblable à celui des grilles de programme à la radio ou la télévision. Alors que nous planifions auparavant autour de la mise en page existante, nous adopterons à présent un style approchant des bulletins d’informations.

Enfin, les changements dans la fabrication du journal demanderont des manières de travailler différentes. Je comprends que cela pourra poser des problème à ceux qui ont l’habitude de travailler tard, en soirée. Mais tandis que nous rentrons dans la prochaine phase de la priorité au digital, les collègues doivent pleinement et sciemment prendre des décisions concernant leur carrière au FT et savoir où sont les opportunités.

Nous aurons besoin de déplacer plus de ressources de la soirée à la journée et de l’après-midi au matin, surtout à Londres. Les journalistes de production travailleront surtout sur le digital. En ligne, nous nous concentrerons principalement sur l’aggrégation de contenu provenant de nos propres journalistes mais aussi de parties tiers. Cependant, en ligne, l’accent portera plus sur les articles que les sections.

Le journalisme FT doit encore plus s’adapter à un monde où les journalistes et chroniqueurs dialoguent avec les lecteurs. Notre objectif doit être d’approfondir ce dialogue et de s’assurer que nous répondons aux demandes des lecteurs dès lors qu’ils viennent à nous — quel que soit le support — pour les actualités récentes et une analyse de qualité. FastFT, une de nos innovations ayant eu le plus de succès cette année, a montré notre détermination à aller en ce sens et ce n’est que le début.

Notre vision du journal et de ft.com est une extension logique des changements que nous avons effectués dans la salle de rédaction durant cette dernière décennie, et même avant. Grâce à ces changements, le FT s’est positionné comme un pionnier parmi les médias modernes.

Nous avons transformé notre business model, en facturant avec succès notre contenu et en construisant un business global d’abonnements. L’année dernière, nos abonnements en ligne ont dépassé notre circulation papier pour la première fois. Aujourd’hui, nous avons plus de 100.000 abonnements digitaux de plus que de ventes papiers.

Ce n’est pas le moment de rester immobile. Les pressions concurrentielles sur notre secteur pour s’adapter à un monde où nous sommes de plus en plus lus sur ordinateurs, smartphones et tablettes restent plus fortes que jamais. Le rythme du changement, mené par les nouvelles technologies, est incessant. De récentes conversations à Aspen et Sun Valley me l’ont encore rappelé.

Je tiens à remercier tous les journalistes du FT pour leur dévouement à cette cause. Ce sont des moments difficiles. Mais tant que nous accueillerons le changement et ne cesserons d’innover, nous continuerons à délivrer ce journalisme d’envergure internationale dont nous sommes tous si fiers. »

 

Traduction : Clémence Robin à qui je dis chaleureusement merci

Photos : Reuters

Cet article est repris du site http://bruxelles.blogs.liberation.f...

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