Karim Houellet en concert at home

Les Home Sessions, créées il y a trois ans, veulent réinventer les rapports entre musique et business. Début de soirée, les invités, une centaine de personnes, se massent dans le vaste salon privé, debout ou assis sur un moelleux tapis rouge, à deux pas des instruments et des enceintes qui trônent au fond de la pièce, près d’une impressionnante réplique de lion.

Karim Ouellet entre sur scène, enfile un masque de renard, attrape sa guitare. Le jeune artiste québécois s’apprête à jouer quelques morceaux de son excellent deuxième album – Fox – devant un parterre inhabituel. Ce soir, le concert est donné dans une belle demeure de Boulogne-Billancourt dont l’adresse – confidentielle – n’a été dévoilée qu’au dernier moment. Ici, pas de queue à l’entrée, pas de fosse surchargée. Ici, la coupe de champagne remplace le gobelet de bière, des voituriers se tiennent à la disposition du public et les petits fours sont gratuits.

C’est tout le principe du Home Sessions Club, un concept inventé en 2010 par Aymeric Pichevin et Eric Newton. Seuls les membres de ce club très privé peuvent assister chaque mois aux concerts intimistes donnés par des artistes de premier plan.

600 membres permanents

Tout le monde ne peut donc pas s’offrir un concert dans son salon, le luxe d’une telle proximité avec l’artiste, si près qu’on peut même détailler le mouvement des doigts de Karim Ouellet virevoltant sur sa guitare pendant le solo de Rien ne sert de courir. Le club, qui a statut d’association, ne compte que 600 membres permanents. Leur point commun ? Etre considérés comme des “influents”, des “leaders”, et accessoirement, “des mélomanes”.

Ici on n’entre que par cooptation (moyennant aussi une cotisation d’entrée et une participation pour l’organisation des concerts). Les heureux élus ont le privilège d’assister chaque mois à une performance musicale dans des conditions exceptionnelles, en toute intimité.

L’intérêt pour les artistes ? Se faire connaître, être introduit dans le milieu fermé des décideurs, et éventuellement récolter des contrats : partenariats avec des entreprises, concerts privés, publicités… Karim Ouellet a accepté de venir après en avoir été convaincu par son agent. Il explique :

“Je suis en France dans un contexte de pure promotion, face à un public qui ne me connaît pas. Ce soir je sais que je joue devant des gens qui peuvent m’ouvrir une porte, m’aider : ça ne peut que me servir.”

Si Karim Ouellet est un artiste en début de carrière et encore peu connu en France, de nombreux musiciens, plus installés, acceptent eux aussi ses propositions, convaincus du coup de pouce que ce genre de prestations privés peuvent apporter à leur carrière.

Une forme de privatisation du live ?

Pour ceux qui rêvent de s’offrir leur groupe préféré à la maison, les fondateurs de Home ont étendu le concept en créant le site concertsprivés.com. Cette fois, pas besoin d’être influent, juste d’un carnet de chèque : le tarif des prestations s’échelonne d’environ 1 000 euros pour un groupe peu connu, jusqu’à des sommes aussi secrètes qu’astronomiques pour les stars les plus demandées. Et pour ceux qui n’ont ni l’influence, ni la thune, il reste la télé… La deuxième édition du HOME Festival aura lieu vendredi 28 et samedi 29 septembre : dix-neuf concerts dans neuf appartements, qui feront l’objet de captations et d’un documentaire bientôt retransmis sur la chaîne W9. Cette nouvelle manière d’entrecroiser business et musique pourrait même faire des émules : les créateurs de HOME ont déjà exporté leur concept à New York et Hongkong.

Peut-on y voir une forme de privatisation de la musique, du live ? “Peut-être”, répond Karim Ouellet, “Mais ce soir, je joue ici et demain ce sera pour le grand public ou pour une petite radio associative. La musique, dans les trois cas, reste un partage. Je pense que si tu as les moyens de faire jouer un artiste chez toi, tu peux te permettre de le faire.”

Le Québécois, en tout cas, a donné de sa personne. Il a fini son set en sueur, très applaudi. Avant de recevoir les félicitations des invités et de papoter, une coupe à la main, dans le beau jardin des hôtes du soir.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/09/2...