“Do it for Danemark” : quand le sexe devient patriotique

, par  Sophie Janinet , popularité : 1%
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Capture d’écran - Spies / Youtube

Est-ce que le sexe peut sauver le futur du Danemark ?” demande une voix off d’un ton grave, en introduction d’une publicité pour une agence de voyage. Si le ton est celui de l’humour, le sujet est assez sérieux pour le pays. Depuis 1969 , le taux de natalité danois est en dessous du seuil de renouvellement, 2,1 enfants par femme. Autrement dit : le nombre d’actifs ne sera bientôt plus suffisant pour financer les retraites. En 2013, il a atteint le niveau critique de 1,67. Un électrochoc qui a donné suite à toute une campagne à la fois de la part des pouvoirs publiques et des entreprises privées. Dont la vidéo ci-dessous.

Il s’agit de la contribution à l’effort national de Spies, une filière du voyagiste Thomas Cook. Une publicité qui rappelle, propos d’une chercheure à l’appui, que les vacances sont propices à la romance : 10% de la population danoise actuelle a été conçue à l’étranger. Spies propose donc une “promotion ovulation“. Comprenez : un couple qui réserve un séjour via le site www.doitfordenmark.dk pendant une période propice à la fécondation, paiera moins cher. Mieux encore, si le dit couple envoie ensuite des preuves que le voyage a porté ses fruits, ils recevront une poussette et trois ans de couches gratuites.

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Un spot qui n’a choqué personne dans le pays. Au contraire, “les réactions ont été très positives” a déclaré Eva Lundgren, responsable marketing de l’entreprise, au New York Times . Ajoutant que la couverture médiatique du problème de natalité ces dernières années en a fait un thème abordé naturellement.

Un acteur français résidant à Copenhague depuis 20 ans, Emmanuel Limal, en a d’ailleurs profité. Lancé en 2013, son site de rencontre Bablykar.nu, (“prêt pour un bébé maintenant” en danois), fonctionne assez bien. Il raconte avoir eu l’idée en fréquentant lui même les sites de rencontre : “J’étais frustré de voir que les gens se présentaient toujours comme très actif […] je ne rencontrai personne dont la priorité soit de faire des enfants et je taisais ma propre envie quand je rencontrais quelqu’un de nouveau. C’est un gros tabou.

Des propos à mettre au passé, puisque la ministre de l’éducation, Christine Antorini, a elle-même récemment publié un communiqué indiquant que le gouvernement souhaite “mettre l’accent sur une approche plus large et plus positive de la santé et de la sexualité, pour évoquer les joies autant que les risques qu’elle amène“. L’ONG Sex og Samfund (“Sexe et société” ndlr), qui fait le tour des écoles depuis des années pour éduquer les plus jeunes à la sexualité, a donc adapté son discours .

Pendant des années, nous parlions uniquement de sexe sous l’angle des ‘risques’ et des précautions à prendre pour ne pas tomber enceinte”, a expliqué au magazine américain la directrice de l’association, Marianne Lomholt. “Et puis un jour, on a pensé qu’il serait peut-être bien d’expliquer aussi comment avoir des enfants.”

Mes bien chers frères

Si la notion de famille est depuis toujours au cœur du discours chrétien, cette atmosphère particulière a galvanisé un prêtre connu pour son profil atypique. Poul Joachim Stender, 59 ans, comptabilise bientôt 2000 amis sur Facebook et a publié en 2010 : “Med Gud i sengen” (“Au lit avec dieu“). On peut y lire, entre autre, que “la connaissance de la chair est tellement belle et vivante qu’elle ne peut qu’être l’œuvre du seigneur“. Souvent décrié par ses pairs, il a proclamé à la fin de son sermon de l’ascension en 2013 : “Faites-le pour le Danemark ! Ne demandez pas ce que votre patrie peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour elle !” Amen.

Le hip hop pour “laisser exploser son patriotisme

Le Danemark est loin d’être le seul pays à faire face à un problème démographique.Le vieillissement de la population concerne tous les pays d’Europe, les Etats Unis et certains pays d’Asie, a commencer par le Japon, où la vente de couche pour adulte a récemment enregistré des meilleurs chiffres de vente que celles pour bébés. Une seule autre entreprise a pris le risque de se lancer dans une pub humoristique cependant : Mentos, qui a voulu inciter les singapouriens a “laisser exploser leur patriotisme” la nuit de la fête nationale le 9 août. Extrait : “La parade est terminée, les enfants sont au lit, plutôt que de regarder les feux d’artifices, faisons en nous même“.

Malgré cette prose délicate, les résultats n’ont pas suivis aussi bien qu’au Danemark. Suite à la diffusion de cette pub de 2012, le taux de natalité de Singapour en 2013 est passé de 1,29 à 1,19. Dommage.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2015/04/2...