Eminem, le flop du Pukkelpop

, par  Nicolas Capart , popularité : 1%

Eminem à Abou Dabi en novembre 2012 (Jumana ElHeloueh/Reuters)

Huit scènes, un peu moins de 200 concerts et plus de 180 000 visiteurs cumulés en trois jours, telle est l’équation chiffrée du festival Pukkelpop – Pukkel pour les intimes. Une petite fête de scouts limbourgeois, devenue l’un des plus grands festivals alternatifs à ciel ouvert du Vieux Continent, qui célébrait le week-end dernier sa 28e édition. Un hybride de Rock Werchter et de Dour, moins bling bling que le premier côté programmation, mais pas encore aussi pointu que le second. Un nom qui résonne aussi à l’oreille pour de tristes raisons, puisqu’en 2011 il faisait les gros titres suite à une tempête meurtrière qui avait fait cinq victimes). Les organisateurs ont malgré tout su faire perdurer leur événement et, une fois de plus, déroulaient dans la belle Kiewit un line-up impressionnant.

Eminem y caracolait en haut de l’affiche, pour la toute première sortie de sa tournée européenne-éclair. À peine sept concerts, en Belgique donc, mais aussi en Irlande, en Écosse, en Angleterre (pour trois dates) et à Paris – où un Stade de France plein à craquer l’attendra de pied ferme ce jeudi 22 août – sont prévus. Un retour qu’on n’attendait plus après trois ans d’absence dans la foulée de “Recovery”. D’autant que peu de notes ont filtré de l’imminent 8e album du Slim Shady, dont on ne connait encore ni le titre ni la date de sortie. Seules certitudes : Dr.Dre et Alchemist mettront la main à la pâte et Big Sean, Kendrick Lamar, Drake et A$AP Rocky seront de la partie. De quoi exciter nos envies…

C’est avec 25 minutes de retard et le seul nouveau morceau connu – Survival, enregistré pour le jeu vidéo Call of Duty : Ghosts – que le kid de Detroit aujourd’hui quarantenaire ouvre le show. Planqué sous sa capuche, Eminem assène chaque mot et l’on retrouve avec un plaisir quasi nostalgique cette hargne, cette voix, ce flow, ces doigts serrés sur le micro… Pourtant, on déchante assez vite. Marshall Mathers est à côté de ses sneakers, bouge peu, respire trop, rappe en playback ou faux. On passe des flammes aux nuages sur les écrans. Le show est cheap et ennuyeux. Quand il tombe le hoody, on découvre un rappeur vieilli, creusé, livide, usé par de trop longues années d’addiction aux médicaments. L’Américain expédie les hits façon medley entre deux pétards mouillés. Regarde au loin la bouche ouverte, l’air pas content et inspiré, et balance Just Don’t Give a Fuck… Ce qui se voit malheureusement.

D’aucuns ont parlé d’un retour gagnant. Nous n’avons pas dû voir le même concert. Certes, Eminem fut grand, mais il ne reste aujourd’hui que miettes du légendaire emcee. Les fans de hip-hop pourront se concentrer sur géniaux Earl Sweatshirt, Tyler the Creator et Kendrick Lamar, qui assurent la première partie.

Girls in Hawaii : vers l’infini et au-delà

Après trois années d’absence suite à la perte tragique de son batteur, Girls in Hawaii était appelé à renaître de ses cendres vendredi. Un retour aussi tendu qu’attendu, avec un troisième album à la clé – Everest – qui garnira les bacs des disquaires dès la semaine prochaine. On a longtemps cru que le groupe disparaîtrait des radars : le revoilà plus déterminé que jamais, et à la veille d’une nouvelle tournée.

Malgré l’enjeu, la chair de poule et les appréhensions, les six ont impressionné. Dévoilant de délicates versions live de leurs nouvelles compos, dont le single Misses, le cri du cœur Not Dead et l’envôutant Switzerland. Assénant les classiques dans le fracas et l’électrique, avec mentions spéciales à The Fog, Birthday Call, le surpuissant Flavor et un très rock Found in the Ground. Ces Girls 2.0 sonnent moins folk qu’auparavant, dopés par les volts, les guitares et le jeu de baguettes détonant du petit nouveau Boris Gronemberger (également chanteur du groupe V.O). À voir le regard aiguisé du leader Antoine Wielemans, nous serions même tentés de dire que les Belges sont encore plus forts.

Gare au Jagwar (Ma)

Samedi, pour l’ultime journée du Pukkel, nous avions rendez-vous avec Jagwar Ma, auteur de l’excellent album Howlin. Une bande de hippies venus d’Australie – intronisée par Foals et qualifiée de “futur de la galaxie” par Noel Gallagher – qui visiblement ne lèchent pas que des timbres-poste. Et une première plaque estivale, façonnée entre Sydney, Londres et Berlin (puis mis en boîte à Paris), qui tourne en boucle dans nos écoutilles depuis fin juin et sa sortie.

Dans un Castello plein comme un œuf, la trinité psyché formée par Jono Ma, Jack Freeman et le chanteur chapeauté Gabriel Winterfield a ensorcelé nos esprits. Guidés par ces percussions tribales et ce timbre de voix magnétique. Une succession de hits électro-pop traversés de basses rutilantes qui évoquent aussi bien temps passé que présent. Hier, l’Angleterre de la fin des eighties, la folie de Madchester, de la musique Baggy, des Stones Roses, de Primal Scream et surtout des Happy Mondays… Mais aussi aujourd’hui, les harmonies vocales d’Animal Collective, les rythmiques galopantes ou dansantes de Django Django, les guitares hypnotiques de Tame Impala et le sens mélodique de MGMT.

Enfin, on n’a que moyennement aimé la prestation faussement bodybuildée de Nine Inch Nails et ce Trent Reznor aux biscotos créatinés. Pas trop aimé non plus les cours d’aérobic et les costumes de fancy fair de The Knife, regretté les nombreuses annulations annoncées (Neil Young, Slayer et XXYYXX en tête)… Mais on s’est délecté du rock en training de Mr. E et de ses joyeux drilles de Eels – quelque part entre le gang des postiches et les entraîneurs de gardiens de l’AJ Auxerre –, on a adoré les riffs funky de !!! et les pas chassés de Nic Offer dans son itsi bitsi tini ouini tout petit petit mini-short, la dream team de la scène trap (Just Blaze, Dillon Francis, Flosstradamus, Baauer) dont le délicieux chaos dessiné par TNGHT. Cool aussi l’électro-rap bondissant de l’étrange Danny Brown, les déflagrations post-punk ou garage de la révélation Parquet Courts, et la classe folle de l’étoile soul Brittany Howard, à la barre d’Alabama Shakes.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/08/2...

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