En quelle langue aboie le chien finlandais ?

, par  Quatremer , popularité : 1%


Marsupilami

Selon sa nationalité, un chien de bande dessinée fait
« ouah ouah », « bao bao », « wuf wuf »,
« guau guau ». Et c’est vrai d’à peu près tous les animaux. Ce qui
pose des problèmes de traduction (et surtout génère des coûts) aux éditeurs qui
veulent exporter leurs BD à travers l’Union européenne. Partant de ce constat,
la Commission va donc proposer, mercredi, une directive « harmonisant les
cris des animaux dans les BD ».
Un poisson d’avril ? Michel Barnier,
le commissaire au marché intérieur, s’en défend : « la BD est l’un
des rares secteurs qui échappent à la crise qui frappe durement l’Europe. Il
faut donc favoriser le développement de cette économie culturelle et supprimer
toutes les entraves au marché intérieur. Un chien doit faire “ouah ouah” dans
les 23 langues officielles ».




Il ne s’agit pas d’une lubie de la Commission, puisque ce
texte est issu d’une consultation publique ouverte il y a deux ans (le fameux livre
vert sur « les obstacles au développement de l’économie culturelle »).
L’idée est de progresser par étape afin de ne pas heurter les particularismes
locaux. Dans un premier temps, seuls les cris de onze animaux seraient
harmonisés : ceux du chien, du chat, du cochon, du coq, de l’âne, du
gorille, du lion, de la pie, du loup, du pingouin et, bien sûr, du marsupilami.
Mais une procédure dite de « comitologie » permettra d’ajouter des
animaux au fil du temps : il faudra une majorité qualifiée d’États membres
pour s’opposer à la proposition de la Commission, ce qui rendra très difficiles
les résistances isolées.

L’adoption de cette proposition de directive, mercredi,
n’est pas encore certaine, tant les débats sont passionnés au sein du collège
des 27 commissaires. Un certain nombre de commissaires estiment qu’elle va trop
loin dans le souci d’harmonisation, au risque de donner un nouvel argument aux
eurosceptiques. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, le leader du Front de Gauche (FdG),
que j’ai pu joindre au téléphone ce week-end, a piqué une colère en découvrant
que le coq gaulois ne ferait plus « cocorico » : « si ces
27 salopards croient qu’ils vont pouvoir s’attaquer au patrimoine culturel
français, ils se trompent. Je commence à en avoir assez de ces technocrates non
élus qui ne pensent pas français, mais commerce international »
. En termes
plus mesurés, l’Élysée est sur la même longueur d’onde : « il s’agit
d’une attaque frontale contre la diversité culturelle, un pilier de la
construction communautaire ».


Rantanplan_1Androulla Vassiliou, la commissaire à la culture, ou Viviane
Reding, vice-présidente chargée de la justice et des droits fondamentaux, s’opposent
d’ailleurs à cette directive au nom du respect du multilinguisme. Elles
soupçonnent même le président Barosso, qui veut absolument conclure un accord
de libre-échange avec les États-Unis avant la fin de son mandat l’année
prochaine, de faire le jeu des éditeurs anglo-saxons qui dénoncent depuis
longtemps ces « obstacles non tarifaires aux échanges ». Il s’agirait
d’enfoncer un premier coin dans l’exception culturelle européenne.

Mais, on peut se demander si la directive profitera
réellement aux Américains, sachant qu’ils exportent peu de BD (en dehors des
comics). Dans une note que j’ai pu me procurer, le commissaire au commerce,
Karel de Gucht, milite pour que les cris des animaux s’alignent sur les cris
chinois, de plus en plus de traductions étant délocalisées dans ce pays… Autrement
dit, il s’agirait plutôt de faire le jeu de la Chine, et ce, afin de faire
baisser le prix des BD. Michel Barnier écarte tous ces soupçons : il estime
que son texte est un enjeu de puissance. « Henri Kissinger s’est un jour
exclamé : “savez-vous comment aboie un chien en Europe ?” Il faut en
terminer avec cette cacophonie si on veut être pris au sérieux ».
Je me
demande si le cher Henri a vraiment dit ça… 

 

Cet article est repris du site http://bruxelles.blogs.liberation.f...

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