Fauve ≠ l’interview d’adieu (enfin presque)

, par  Abigail Ainouz , popularité : 2%
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crédit : FAUVE Corp.

On le savait depuis un moment, Fauve quitte la scène après trois années de dur labeur, entre studio et tournée. En cadeau d’adieu, le collectif nous offre un double album, et même un coffret pour les plus gourmands. Au total ce sont : 4 vinyles, 2 CDs et 58 pages de lectures et de photos détaillant l’intimité de leurs tournées, partageant volontiers la sueur et les galères à travers de savoureux interludes. Avant de tirer sa révérence, revenons sur le parcours ahurissant qui a mené cette joyeuse bande d’anonymes, d’un sous-sol de restaurant à une tournée de Zéniths à guichets fermés.

Vous sortez un double album baptisé “150.900”, soit le nombre de km parcourus en trois ans de tournée. Pourquoi avoir décompté ce nombre de km d’ailleurs ?

On était un peu obligé de le faire pour tenir à jour le budget de la tournée, des histoires de co-production entre notre comptabilité et celle de notre tourneur Asterios. On s’est donc mis à tout détailler : combien de sandwichs on a mangé – il y en a eu genre 3000 – combien de cafés on a bu… Et il y a plein d’autres chiffres qui sont imprimés et recensés sur la pochette du coffret : ça faisait des statistiques un peu marrantes.

A quel concert ont été captés les morceaux de ce double album ? Celui de votre “pot de départ” au Bataclan [septembre 2015] ?

Après écoute, on a trouvé que le Zénith de Paris [en mai 2015] était le mieux, donc c’est lui qu’on entend majoritairement. On a aussi rajouté deux morceaux live datant de 2013. Deux titres qu’on jouaient plus vraiment sur la dernière tournée : Saint Anne et Rub a Dub : ça montrait le chemin parcouru en terme de son. Et les fans nous les réclamaient souvent.

Ce double album est truffé de souvenirs et d’interludes, ce n’est pas tout à fait un album live au final ?

Oui, d’ailleurs on l’a sous titré “Fauve en tournée” et non pas “Fauve en live” car c’est un documentaire sur notre histoire en tournée. Il y a eu tellement de choses qu’on a vécu en dehors de la scène et on a eu besoin de les raconter.

Pour résumer : on a mis des chansons live, mais aussi une chanson inédite Jennifer, des rags – ces moments où on prend la parole et qui sont écrits, composés et enregistrés pour l’occasion – et enfin des interludes, qui ne sont pas écrits eux, ce sont des phrases spontanées issue d’une interview avec le journaliste Thomas Caussé. Ces 4 formats s’entremêlent pour créer un tout, on trouve que ça donne une très bonne idée de la tournée dans sa globalité. C’est plus qu’un album live, c’est une sorte de souvenir de tournée.

Est-ce que vous auriez eu peur de tomber dans une routine en continuant l’aventure Fauve ?

On n’avait pas envie de faire la tournée de trop, le disque de trop, on voulait pas s’engueuler, ni rempiler en traînant les pieds, gâcher le truc miraculeux qui nous est arrivé. Déjà la tournée des Zénith en 2015, on avait hésité à la faire et finalement on est parti sur le concept des “Nuits Fauves”, un concept innovant.

De peur de vous ennuyer sur la route, vous avez donc eu le besoin d’innover sur chaque tournée ?

Notre plus grosse peur avec Fauve c’était de s’ennuyer et de gâcher le truc. Et donc à chaque fois qu’il y avait une nouvelle tournée ou un disque, on se disait : comment on va faire pour ne pas refaire la même chose ? Notre tourneur Astérios savait que c’était vital pour nous et ils sont toujours arrivés à trouver des idées farfelues.

C’était malin selon vous ?

C’était vital plus que malin de se renouveler sans cesse. Et pour être sincère, c’était pas très malin notre parcours live. Par exemple à la place de nos 20 bataclans, on aurait pu faire 3 zéniths, ce qui veut dire que tu payes 3 fois les équipes, et non 20 fois.

La tournée des zéniths n’a pas été rentable ?

En vrai, faire des tournées des Zénith comme ça [à guichet fermé], c’est très rentable, le truc c’est qu’on a jamais voulu faire des places au delà de 30 balles, donc forcément quand tu te trimbales avec 4 semi-remorques, 2 tours bus et 40 techos’, ça l’est toute suite un peu moins ! (rires)

Vous auriez pu accepter des partenariats commerciaux ?

Au début quand on a commencé à calculer tout ça, notre tourneur nous a demandé si ça nous intéressait de mettre des marques dans la boucle, pour nous aider à financer les Nuits Fauves. Et nous, on a dit non car avec FAUVE on s’est jamais associé à une marque ! On a juste récupéré des petits briquets BIC gratos, qu’on distribuait aux gens.

Vous aviez une éthique à respecter, notamment sur les prix de vos concerts et albums ?

On voulait donner beaucoup plus qu’un simple concert mais que ça coûte moins cher. C’est comme les skeuds, on se casse toujours la tête pour qu’ils soient au prix le plus bas possible. Avec ce coffret, on propose un quadruple vinyle, un livre de 58 pages et 2 CDs pour 30 euros ! Et puis on a la chance d’avoir une communauté de fans ultra loyale, alors on fait ça pour la beauté du geste, un peu comme disait Tony Wilson de la Factory, en définissant la notion de “praxis” : “Doing something because you have the urge to do it, inventing the reasons later.”

Vous êtes devenus de vrais businessmen à force de vouloir contrôler les tenants et les aboutissants du collectif ?

Steph le bassiste, qui gère un peu la baraque, dit qu’on est plus des amateurs éclairés que des professionnels. On a appris sur le tas, ça fait partie du plaisir, c’est agréable de gérer ta popote toi-même, même si c’est galère, même si tu dors pas et que tu fais les factures.

En restant anonyme dans votre communication, vous n’avez pas dû être trop emmerdé par les autographes ?

Quand tu sors de scène, la moitié des fans te calculent plus du tout, c’est hallucinant. Et puis, c’est vrai que les éclairages faisaient qu’on étaient pas très mis en avant sur scène, puisqu’on voulait rester anonyme. D’ailleurs, en début de concert, on se mettait souvent à l’entrée pour distribuer des bracelets au public et les gens ne nous remarquaient pas du tout, c’était trop drôle. Les nanas, elles se disaient : “C’est qui lui, qu’est ce qu’il me veut ?”

En trois ans de tournée, vous avez dû faire le tour de toutes les salles de France. Il y en a une que vous n’avez pas fait ?

On n’a pas fait la Cigale bizarrement ! Même pendant notre tournée de Chauffe [marathon des salles parisiennes] on n’avait pas pu…

Quel a été votre souvenir de concert le plus catastrophique techniquement parlant ?

Il y en a eu tellement…mais on s’est trop marré ! Les problèmes techniques, ça nous permettait de parler avec le public et de prendre la température.

A Montauban en particulier, c’était en début de saison des festivals d’été, tout le son s’est arrêté pendant 20 minutes ! Et quand tu sais pas ce qui se passe… C’est long. A l’époque, ça nous arrivait souvent mais pas plus de 5 minutes. La cause : on utilisait du matériel de club sur des grosses scènes car on n’avait pas eu le temps de ‘upgrader’ notre matos.

Vous parlez aisément de régie, de communication et vous êtes aussi musiciens tous les deux. Chacun met la main à la pâte chez Fauve Corp ?

Fauve c’est une histoire qui s’écrit à plusieurs mains, plusieurs cerveaux et plusieurs cœurs. On s’est rendu compte que le tout pouvait être supérieur à la somme de ses parties. Le bassiste se retrouve à être manager par défaut, je m’occupe des factures en plus de la guitare, Quentin se tape le montage de toutes les vidéos en plus d’être chanteur…

Après la sortie de ce double album, Fauve c’est donc fini pour de vrai ?

Si on revient, c’est qu’on aura quelque chose à dire, de nouvelles chansons, et l’envie de repartir à l’aventure mais il y a assez peu de chances pour que ça arrive.

Le collectif ne va donc pas être dissous ?

Dans le collectif, il y en a qu’on connait depuis 15 ans. On fait des projets ensemble depuis tout ce temps là ! On a envie de prendre de la distance vis à vis de Fauve, mais pas des uns vis à vis des autres. On va continuer de faire des choses ensemble. On est une bande d’amis. Et le plus important pour nous, c’est de rester grouper, peu importe ce qu’on fait.

Vous avez des nouveaux projets dans les tuyaux ? Des collaborations ? Des films ?

On n’a pas forcément attendu que Fauve s’arrête pour faire des trucs. Et oui on va surement continuer à faire des vidéos, oui on va surement continuer à faire des films, des voyages, des blogs photos pourquoi pas !

Qu’est ce qui va vous manquer le plus ?

Quand on parle avec nos proches, ils nous disent “ça va être dur de revenir à un travail normal” ou “ça va être dur d’abandonner la scène, c’est comme une drogue” . J’y ai réfléchi et ce que j’aurai énormément de mal à lâcher aujourd’hui, c’est le fait de travailler avec mes amis et d’avoir de compte à rendre à personne. Mais on peut s’impliquer dans autre chose que la musique. On préférerait monter une boite d’ébéniste ou repeindre votre salle verte [lieu de l’interview, au goût douteux et situé dans les locaux des inRocKs], que de répéter la même chose. Chacun va voir ce qu’il a envie de faire.

Double album “150.900 – Fauve La Tournée” : en version digitale et en coffret [2 CDs, 4 vinyles et 58 pages] sur le siteDepot du groupe.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2016/04/0...

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