Fefe : rencontre avec un électron libre de la scène française

, par  David Sfez , popularité : 1%

Vous utilisez beaucoup votre guitare depuis que vous êtes en solo. C’est le chanteur Patrice qui vous l’a offerte. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’était pendant l’enregistrement du dernier album du Saïan Supa Crew. On avait invité Patrice pour un morceau. Patrice est venu avec sa guitare et comme j’ai toujours été curieux avec les instruments, je lui ai posé pleins de questions sur sa guitare. Il m’a montré vite-fait les accords de base. Avant de partir, je lui ai rendu sa guitare mais il m’a répondu “Non cette guitare est à toi maintenant, par contre la prochaine fois qu’on se voit tu auras écrit une chanson”. C’est parti comme cela..

Vous vous êtes rapidement approprié cette guitare qui semble plus vous quitter depuis ?

Après la fin de l’aventure musicale avec le Saïan, je me posais pleins de questions. J’avais un ras-le-bol de tout et limite envie d’arrêter la musique. Pourtant, j’ai commencé à apprendre la guitare chez moi tout seul, plus par déprime qu’autre chose. La guitare c’est pas un instrument auquel je pensais au début de ma carrière mais dès j’ai commencé à y toucher, il y a eu un rapport charnel qui s’est installé. Au début j’avais seulement mal aux doigts mais petit à petit des mélodies me sont venues. C’est comme cela que j’ai commencé à écrire pour moi et travailler mon premier album.

Sur cet album vous utilisez un autre instrument, le kazoo. Même si vous venez du hip-hop, donc du sample, vous avez toujours été attiré par les instruments ?

J’ai toujours aimé faire du son depuis que j’ai commencé à rapper. Au départ sur ordinateur, je pianotais. Comme j’ai à peu près une bonne oreillle musicale je pouvais toujours reproduire ce que je voulais. Quand on arrivait en studio, je touchais tous les instruments comme un gamin mais jamais à fond, car je me considère pas comme musicien à la base. La guitare m’a permis de créer mes samples et mieux comprendre la musique. Cela m’a surtout permis d’arrêter de me cacher derrière des gros beats comme je le faisais au début. Après j’ai pas abandonné le sampler pour autant, cela reste mon instrument de base. D’ailleurs contrairement à ce que certains pensent c’est pas si facile d’utiliser un sampler. Il faut choisir la bonne boucle et en faire une musique cohérente. A moyen terme, j’aimerais aussi m’initier aux percussions.

Pour la production de cet album vous êtes repassé par Dan The Automator qui a collaboré avec un panel d’artistes très varié comme Gorillaz, Miles Kane, DJ Shadow. Pourquoi ce choix ?

J’ai aimé ce qu’il a fait sur mon premier album et je me voyais mal passer par quelqu’un d’autre. Je suis venu le rejoindre à San Fransisco avec mes instrus et mes textes. On a tout retravaillé là-bas. Ce qui a surtout aidé, c’est qu’on est pas mal sorti pour manger, boire des coups et discuter. On a passé pas mal de moments humains. Il aime bien rentrer dans ta tête et faire “sauter tes cadenas”. Dan me dit à chaque fois que le plus important est de faire ce que t’aimes sans penser à la perception, c’est ce qui me correspond. C’est ce principe qui m’a permis d’être le plus libre dans mon travail et aller vers des truc inédits musicalement pour cet album.

Quelqu’un qui n’a peur de décloisonner sa musique depuis longtemps c’est Kanye West. Son dernier album “Yeezus” a subi pas mal de critiques. A tort ou à raison, selon vous ?

J’ai pas tout aimé dans son dernier album même si j’ai apprécié deux sons en particulier “Black Skinhead” et “Blood on the leaves”. C’est pas mon artiste favori et l’humain se la pète un peu mais je suis très fan de ses initiatives musicales. J’admire cet artiste qui n’a pas peur de prendre des risques et de se remettre en cause surtout à son niveau. Quand il a sorti album “808s and Heartbreak” en 2008, il a été super critiqué à l’époque mais ensuite tout le monde l’a pompé car il était en avance. L’art c’est aussi provoquer des réactions. En France, le public n’est pas totalement prêt pour ce genre d’évolutions car nous sommes encore très attachés aux mots parfois au détriment des instrus. Je pense qu’on y viendra, car on finit toujours pas s’inspirer des Etats-Unis. Là-bas, le public a complètement dépassé les frontières musicales.

Votre avis sur la scène rap français actuelle ?

Je suis très heureux de ce qui fait actuellement car on peut parler d’un nouvel âge d’or du rap français. C’est foisonnant. Il y a pleins de gens qui arrivent avec leurs propres styles et leur idées. On a même l’impression que les gens se soucient d’avantage des instrus et des paroles. Quand j’ai commencé dans les années 90, il n’y avait aucun groupe qui se ressemblait, c’est cela qui me faisait kiffer à mort cette musique. Ensuite on a eu une période où tout le monde voulait la jouer Booba. Même si je kiffe les sons de Booba, je trouvais cela bizzare de voir cette course à celui qui serait le plus bad boy. J’aime autant le rap hardcore que le rap conscient, donc j’aime bien cette émergence de sons assez variés.

Cette année on a pu constaté le succès de Stromae et Daft Punk qui sont des artistes qui partent dans toutes les directions musicales. C’est bon signe pour vous en quelque sorte ?

Pour moi cela fait des années qu’on est entré dans “l’époque I-Pod shuffle”. Tout le monde écoute tout, les jeunes sont plus aussi catégoriques. J’ai toujours écouté de tout car le rap me ramenait à cela. Quand j’ai commencé mon premier album je me heurtais à certains producteurs qui étaient frileux à ce sujet, c’est moins le cas maintenant et complétement logique en somme. C’est marrant parce que Stromae a fait dans son album des sonorités auxquels j’avais pensé, maintenant après l’album de Stromae cela va être dur de passer derrière. Beaucoup risquent de dire “Oh il fait du Stromae”, alors que cela fait quatre ans que j’y pense.

Vous avez prévu de vous rendre en Afrique pour le prochain album. Pourquoi ce choix ?

Tout d’abord pour une quête personnelle. Je souhaite retrouver mes origines : le peuple yoruba qui s’est déplacé à travers le monde, notamment à Cuba ou au Brésil. Depuis mon premier album je me suis toujours dit que mon troisième album aurait des sons africains. Les rythmes africains m’ont toujours parlé, donc j’aimerais pouvoir m’approprier ces sons et les recracher à ma sauce. J’ai toujours repoussé cet album car c’est tellement inné que j’ai l’impression que j’arriverais jamais à la dépasser. J’écoute Fela Kuti depuis le berceau mais j’ai jamais osé approcher l’afro-beat à cause de cela. Pour moi Fela c’est inattaquable, voire intouchable…

Il est difficile de vous classer musicalement, il y a d’autres styles musicaux que vous souhaiteriez aborder ?

Oui, le jazz. J’adore en écouter mais j’ai pas envie de tomber dans un truc élitiste ce qui serait ma hantise. J’ai grandi dans une cité, donc j’aimerais pouvoir apporter des choses fines aux gens lambda. Quand je vois ce qu’a fait Oxmo Puccino, c’est réussi et on voit que c’est son truc mais pour l’instant c’est trop tôt pour moi.

Enfin Dr Dre fait des casques audios, Diddy a lancé une chaîne de télé, Jay-Z fait du champagne, Booba et d’autres en France font dans le textile. Quel est votre avis sur les rappeurs qui se lancent dans le business ?

J’ai commencé à suivre le rap avec des mecs comme le Wu Tang. Dans leurs clips, ils étaient dans des caves et mal sappés. Maintenant cela a évolué, on vit une époque très capitaliste y compris dans la musique. Les rappeurs US parlent que de business dans leurs textes. A un moment quand tu vends des millions de disques tu peux plus faire semblant d’être encore un mec de la rue. Je vais pas les juger car je comprends leur démarche. Perso c’est pas mon délire et franchement je suis bien pour l’instant dans la musique. J’ai juste envie d’être bien, avoir le frigo rempli pour ma famille, du temps et des moyens techniques pour faire mes productions et pouvoir voyager où je veux. Pour moi c’est l’essentiel.

Retrouvez Féfé en concert à l’Olympia le 14 octobre

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Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/10/1...

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