Florent Marchet : “Un nouvel album plus lumineux, ou plus illuminé…”

, par  Johanna Seban , popularité : 1%

Deux ans se sont écoulés depuis la sorti de Courchevel. Comment les décrirais-tu ?


Extrêmement denses. Il y a eu une longue tournée de plus de cent dates qui s’est achevée en mars dernier. Et on a rempilé avec une tournée en Chine en juin, pour tester les nouveaux morceaux. Jouer en Chine m’a permis de tenter des choses sans pression, d’essayer de nouveaux titres sans être forcément filmé sur scène.

Tu as également sorti un album de chansons de noël l’année dernière. Tu prolonges ce projet cet hiver avec une tournée…


On avait sorti ce disque, Noel’s songs, l’an passé et fait un spectacle au Café de la danse et à Pantin. On avait été un peu frustrés : j’étais encore en pleine tournée et on n’avait pas pu vraiment développer la scénographie. On a donc décidé de le refaire cette année, avec une mise en scène plus forte. On a une quinzaine de dates en France avec une belle équipe. On est douze sur scène, avec notamment La Fiancée, Nicolas Martel qui joue le père noël, une chorale…Le point d’orgue sera le concert à la Cité de la Musique le 20 décembre. Les jeunes chœurs de Paris vont nous rejoindre et j’ai invité quelques personnes à faire un titre : Gaétan Roussel, Camille, Keren Ann. C’est plutôt un spectacle pour adultes : le père noël se travestit, il devient la mère noël… Je n’aborde pas noël uniquement par le versant féerique. C’est pas que ça noël, c’est quand même beaucoup de gens qui dépriment (rires).

Noël t’inspire aussi cet automne un livre-disque pour enfants. Peux-tu m’en parler ?


J’avais envie d’écrire un petit texte sur les codes de noël : ce que représente cette fête pour les enfants. C’est un prolongement du disque, qui sort chez Actes Sud.

Parmi tes projets parallèles, tu as aussi, cette année, composé la B.O de A moi seule, de Frédéric Videau. Qu’as-tu retenu de cette expérience ?


Ca faisait longtemps qu j’avais envie de travailler pour l’image. Je voulais sortir du format chanson que j’aime mais qui n’est pas suffisant pour me satisfaire artistiquement. J’attendais une vraie rencontre car je ne sais pas répondre à des commandes…Et j’ai rencontré le réalisateur Frédéric Videau. Il avait fait un très beau film documentaire intitulé Le Fils de Jean-Claude Videau dont Jacno avait signé la B.O. Il avait découvert Rio Baril et Frère Animal et m’a proposé qu’on travaille ensemble. C’est un film très lointainement et très librement inspiré de l’histoire de Natasha Kampush. C’est difficile à dire mais c’est aussi une histoire d’amour, ça pose des questions. Cet angle m’a intéressé, et on a eu de suite une connivence musicale. On s’est tellement trouvés, d’ailleurs, qu’on est partis sur un nouveau projet ensemble, qui va me demander encore plus d’implication. C’est une comédie musicale : il réalise et j’écris les titres. Ca devrait se tourner en septembre avec notamment Agathe Bonitzer. Le reste du casting est en cours.

Avec tout ça, trouves-tu le temps de travailler sur un nouvel album ?

Ca va faire un an que je baigne dans des thèmes de réflexion qui m’amènent à ce nouvel album. Ca a lentement infusé. Je me suis intéressé à des sujets plus larges qu’avant, j’ai cherché de territoires qui étaient plus vierges pour moi. Je me suis ouvert sur le monde et sur l’univers. Je me suis intéressé à la physique quantique, j’ai relu Houellebecq en me rendant compte qu’il avait abordé tous ces sujets là il y a dix ans. J’ai relu les Particules élémentaires trois fois. J’ai aussi développé des réflexions sur la spiritualité, sur la folie, sur les courants rétro futuristes. Je me suis intéressé aux thèmes concernant la mémoire, au cerveau, aux connexions. C’est parti de mes problèmes. J’avais des problèmes de mémoire assez importants : je n’ai pas la maladie d’Alzheimer mais j’ai des trous dans ma vie, je sais pas ce que j’ai fait à certaines époques. Ce sont des chemins ou des connexions neurologiques qui ne se font pas pour des raisons personnelles. Mais ça n’empêche pas les fulgurances dans l’écriture. Dans l’écriture, je vais chercher la mémoire. Plus je délocalise mes histoires, plus j’ai l’impression de me rapprocher de moi.

Musicalement, quelle direction prend ce nouveau disque ?


L’expérience de la scène m’a donné envie de développer davantage le lâcher prise. Cette fois, on enregistre en live, sans clic, sans métronome. La musique cesse ainsi d’être visuelle. Quand j’ai commencé la musique, on avait des multipistes et on n’avait pas d’écran : on écoutait une prise, on la gardait si elle nous plaisait. Maintenant on regarde l’écran, on vérifie que la grosse caisse est régulière… Ces choses-là sont des tue l’amour musicalement. J’ai donc envie de me libérer de ça et d’écouter le morceau pour ce qu’il est, pour la matière. J’ai créé mon propre studio pour avoir mon propre laboratoire, mais surtout pas pour finir par jouer une musique désincarnée, sans accident, où l’on maîtrise tout.

Quand penses-tu terminer cet album ?


On enregistre en ce moment, on devrait terminer en mars. Mais je tiens à prendre le temps qu’il faudra. Car une fois que l’album est sorti, un mois plus tard, on est le premier à le dénigrer. On voit tout ce qui n’allait pas. On est déjà un peu ailleurs, on a déjà d’autres envies. Aussi, on fait toujours un album en réaction au précédent. Je pense que celui-ci sera plus lumineux, ou plus illuminé. Je n’ai pas envie de faire deux fois la même chose. Je parle toujours de la même chose, mais je choisis un angle différent. Il faut savoir qu’un musicien vit avec les morceaux jusqu’à ne plus les supporter. J’ai un peu souffert du côté Benjamin, du fait qu’on parlait de ce titre et pas du reste. Je me plie au choix du single car c’est pas mon affaire, on peut pas choisir entre ses enfants… Mais après, on a l’impression qu’on résume l’album à une histoire, en l’occurrence celle de Benjamin. Déjà, ce que j’ai à dire va au delà de l’album Courchevel, alors si en plus ça doit se résumer à une chanson… Je n’ai pas connu le succès d’un tube mais je pense qu’on doit avoir envie de casser son jouet à la fin.

En parlant de jouet, tu publies cet automne un autre livre-disque pour enfants. Coquillette La Mauviette raconte l’histoire d’un jeune garçon qui se découvre une énorme coquille dans le dos ce qui lui vaut les moqueries de ses camarades… Comment ce projet est-il né ?

J’ai écrit cette histoire à quatre mains avec Arnaud Cathrine, avec qui j’avais fait Frère Animal. Arnaud un très bon ami, on dîne ensemble au moins une fois par semaine, on échange beaucoup. Il avait déjà une grande expérience sur la littérature jeunesse et on en a beaucoup parlé. On a eu envie de montrer que raconter une histoire pour les enfants, ce n’est pas forcément raconter ce qu’on voudrait que la vie soit, mais ce que la vie est. On voulait éviter le côté paradis obligatoire ou trop édulcoré. J’ai deux enfants, je commence à raconter au plus grand beaucoup d’histoires, à lui chanter des chansons. Et je me suis aperçu qu’il y avait plein de chansons que j’avais du mal à lui chanter. Les comptines, ça ne me parle pas du tout. Avoir la chanson de Petit ours brun dans la tête toute la journée c’est à se cogner la tête contre les murs. Le livre raconte l’histoire d’un enfant qui se sent étranger dans sa propre famille et son propre milieu. Ca faisait échos à la façon dont Arnaud et moi avons vécu l’école, à notre rapport aux autres. Pour symboliser cette différence, on a pris une coquille d’escargot, avec cette métaphore filée du petit dans sa coquille. On a convié les gens qu’on aime bien (Mathieu Boogaerts, Jeanne Cherhal, Valérie Leulliot, Julie Depardieu, ndlr) et on a envisagé ça comme un projet pour adultes, avec une vraie ambition musicale. C’est pas parce que c’est pour les enfants qu’on doit se limiter à une percussion ou du ukulélé. Interdiction de mettre du ukulélé d’ailleurs !

On prépare actuellement aux Inrocks notre palmarès des disques de 2012. Quels sont les disques que tu as écoutés cette année ?

J’ai beaucoup aimé Alt G, Electric Guest, Django Django, Rome de Dangermouse même si c’est sorti il y a un an. Côté français, j’ai beaucoup écouté Barbara Carlotti, mais aussi La Femme, Granville et François & The Atlas Mountains. J’aime bien la nouvelle langue que cette génération de groupe a trouvée. Ils ont réussi à faire en sorte que le français sonne comme de l’anglo-saxon. Pour la première fois, je ne suis pas concentré sur le texte. Parfois je le découvre même au bout de cinq fois, alors qu’avant ça pouvait même être rédhibitoire. Un texte pouvait me faire sortir de la chanson. Autrement, je reste toujours attentif aux projets de Damon Albarn. Il y avait des choses très intéressantes sur son album Dr Dee.

Concert Noel’s Songs le 20/12 à Paris, Cité de la Musique, et en tournée dans toute la France.


Livre-disque
Coquillette la mauviette (Actes Sud) disponible


Livre-disque
Noel’s songs (Actes Sud) à paraître le 7 novembre.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2012/11/0...

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