“Il y a un risque pour que la Flandre devienne indépendante”

, par  David Doucet , popularité : 2%

Bart de Wever, leader nationaliste de la N-VA, est donné comme le grand favori des élections communales selon les derniers sondages (qui lui donne entre 30 et 35% d’intentions de vote). Comment expliquez-vous le plébiscite d’un homme qui souhaite l’indépendance de la Flandre ?

Patrick Janssens : Je pense que les intentions de vote dont on le crédite sont plus un reflet de l’atmosphère nationale que la conséquence d’une défiance de la politique locale. Depuis la fin des années 80, le Vlaams Belang – l’équivalent du Front national chez vous – a obtenu un tiers des voix. De 1994 à 2006, ils ont maintenu ce niveau électoral. Ils sont restés sur ce niveau depuis trois élections et ce jusqu’en 2006. Ça veut tout simplement dire qu’à Anvers, il y a une large couche de la population qui se reconnaît dans le vote d’extrême droite. Depuis l’échec de Filip Dewinter aux élections communales de 2006, la montée du nationalisme flamand s’est poursuivie mais c’est désormais la N-VA (parti nationaliste flamand, ndlr) qui en recueille les fruits. Bart de Wever est devenu le politicien le plus populaire des Flandres et il représente une alternative au vote d’extrême droite pour une partie des Anversois.

Qu’est ce qui motive ce vote aujourd’hui ?




C’est un mécontentement généralisé. Une partie de l’électorat de la N-VA vient directement du Vlaams Belang. Aujourd’hui, les électeurs considèrent que voter pour le Belang ne sert plus à rien compte tenu du cordon sanitaire qui entoure ce parti et qui l’empêche d’accéder au pouvoir. Ils se dirigent donc vers la N-VA, un parti qui a un discours plus modéré en apparence et qui a pris l’habitude de ne pas participer à la gestion du pouvoir, que ce soit après les élections fédérales de 2007 ou les élections communales à Anvers en 2006 puisque malgré son élection, Bart de Wever n’a pas participé au conseil communal.

La politique de la N-VA s’apparente-t-elle à une politique d’extrême droite ?




Je ne vais pas vous dire qu’il est dangereux, mais que son but n’est pas de gérer Anvers mais de rendre la Flandre indépendante. Son discours consiste à dire que si les choses ne vont pas, c’est à cause du gouvernement fédéral. Selon lui, il suffirait que la Flandre soit indépendante pour que tout aille mieux. Je ne suis pas un belgiciste, mais je ne crois pas du tout que ce soit la solution.

Bart de Wever peut-il devenir incontournable au plan national s’il gagne ses élections ?




Le succès n’entraîne pas toujours le succès. Bart de Wever ne s’est jamais confronté au pouvoir. S’il devient bourgmestre, il va devoir prendre des décisions et les gens se rendront compte qu’il ne pourra pas réaliser toutes ses promesses. Je crains que Bart de Wever utilise ses fonctions de bourgmestre pour promouvoir l’indépendance de la Flandre. Il risque de prendre la ville en otage de ses intentions séparatistes.

Bart de Wever insiste beaucoup sur l’immigration dans ses discours. Que lui répondez-vous ?




Anvers est une ville très cosmopolite, nous avons plus de 170 nationalités qui vivent ensemble. Le samedi 15 septembre, il y a eu des incidents à Borgerhout, un district d’Anvers, très multiculturel dans lequel plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre le film L’innocence des musulmans. Suite à cela, la N-VA a demandé à changer le slogan de la ville d’Anvers qui est depuis 2004, “la ville est à tout le monde”. Je trouve ça choquant car qu’est-ce qu’une ville, sinon une place où des gens différents habitent ensemble ? Chaque individu qu’il soit noir ou blanc, jeune ou vieux, est différent mais la ville rassemble tout le monde. Le discours de De Wever est inquiétant, c’est symptomatique d’un discours nationaliste. Évidemment, dans une ville comme Anvers où il y une forte communauté juive et arabe, il y a parfois des tensions. Mais la question est de savoir comment on peut unifier ces gens, pas les diviser.

Non favori dans les sondages en 2006, vous aviez fini par être élu bourgmestre dans la dernière ligne droite. Pensez-vous réussir la même performance cette fois-ci ?




En 2006, nous sommes passés de 19% à 35% dans les dernières semaines J’estime que l’on va avoir un résultat qui sera pareil mais je n’exclus pas que quelqu’un dispose d’un score plus important que le notre.

Si aucun parti ne dispose d’une majorité absolue, êtes-vous prêt à gouverner avec la N-VA ?

En dehors du fait qu’on ne va pas collaborer avec le Vlaams Belang qui est vraiment un parti d’extrême droite, chacun sera obligé de tenir compte des résultats. On ne va pas bloquer la ville durant six ans.

La N-VA n’avait qu’un élu au conseil communal de 2006, aujourd’hui, il pourrait en avoir plus d’une vingtaine. Comment expliquez-vous cette volatilité de l’électorat anversois ?

Je pense que ça s’explique par le système politique belge. En France, le Front national a parfois fait le même score que le Vlaams Belang. La différence c’est qu’ici, lorsque vous avez un tiers des voix, vous avez un tiers des députés. Cette volatilité de l’électorat se répercute donc automatiquement dans la gestion politique. Aujourd’hui, la politique belge est devenue comme une sorte de supermarché. Mon père a toujours roulé en Opel depuis 60 ans, moi j’ai déjà eu quatre ou cinq marques de voitures différentes. A l’époque, il y avait peu d’offre politique, aujourd’hui il y a une forme de surabondance.

Recueilli par David Doucet, photo Colin Delfosse

Retrouvez dans les Inrocks actuellement en kiosque notre reportage sur Anvers, bastion socialistes en passe de basculer aux mains des nationalistes.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2012/09/2...

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