A Paris, Sea Shepherd mobilise les foules pour sauver les dauphins

, par  Kevin Poireault , popularité : 1%
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(Kevin Poireault/Les Inrocks)

Ils sont une dizaine d’abord, dès 17h30, à s’asseoir sur les quelques marches qui devancent l’étendard de Sea Shepherd, flanqué du fameux logo inspiré de la piraterie. De l’autre côté de la place de la République, on entend les discours et les chants d’une manifestation pour soutenir la Côte d’Ivoire, et un stand pour défendre le droit au logement sépare les deux rassemblements. http://www.lesinrocks.com/wp-conten...

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Les premiers arrivés devant le stand de Sea Shepherd (Kevin Poireault/Les Inrocks)

Très vite, une marée de t-shirts noirs de Sea Shepherd afflue vers le stand. Beaucoup de familles, de jeunes en couple ou entre amis, et pas mal de flâneurs qui passent par là. Sébastien fait partie de ce dernier groupe. S’il n’arbore aucun élément noir comme l’indiquait le dress code – car il ne fait que “passer dans le quartier”, ce photographe trentenaire reste néanmoins pendant tout l’événement.

“Sur le principe, je soutiens tous les gens qui ont des projets cohérents pour faire avancer les choses”, déclare-t-il. “J’irai voir aussi le stand contre l’expulsion des SDF, là-bas. En voyant ces deux causes rassemblées au même endroit, je m’interroge : on fait des choses pour les animaux qu’on ne ferait pas forcément pour les humains, et il y a d’autres choses qu’on fait pour les humains et qu’on n’est pas capables de faire pour les animaux.”

Une organisation “à l’arrache”

Une chose est sûre : les dauphins chassés aux îles Féroé rassemblent. A 18h, soit une demi-heure plus tôt que prévu, alors que la foule atteint maintenant la statue de la République, une bénévole de Sea Shepherd France – vêtue d’un gilet jaune fluo – annonce qu’on “va commencer par un happening visuel”. L’équipe a donc besoin de 24 personnes volontaires pour tenir les pancartes chocs qui dénoncent le “grind “, nom donné au massacre des dauphins aux îles Féroé. http://www.lesinrocks.com/wp-conten...

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Le “happening visuel” destinés à sensibiliser les passants à la pratique du grind aux îles Féroé (Kevin Poireault/Les Inrocks)

Comment organise-t-on un tel événement ? “A l’arrache”, répond Jean-Charles, le responsable technique à l’accent du sud que l’on reconnait à son gilet orange fluo et à son chapeau gris. Il insiste sur la dimension volontaire qu’implique l’engagement dans Sea Shepherd, et donc dans un tel événement :

“Je suis un bénévole comme tous les autres. Seulement un peu plus disponible en cette période où beaucoup de gens sont en vacances. J’ai lancé un appel sur Facebook il y a une semaine et 200 personnes sont venues peindre des pancartes. Hier soir, à minuit, on était encore en train de coller des visuels sur des panneaux en bois.”

André, “plutôt anar” et végétalien convaincu, est venu de Montreuil avec son chapeau noir et son t-shirt Sea Shepherd pour aider à faire la sécurité. S’il n’est pas spécialement engagé avec le mouvement de Paul Watson, c’est un grand défenseur de la cause animale. Tatouages à l’appui : il porte le nombre 269 – de l’organisation israélienne de protection des animaux – sur l’avant-bras et la patte et le poing du mouvement de Libération des animaux sur le torse. Ce membre fondateur de Laissons leurs peaux aux animaux a, depuis, quitté la tête de cette organisation car il voulait “être libre”, mais il organise régulièrement des événements, contre la fourrure notamment :

“Les quatre semaines qui viennent il y a des manifestations pour la protection des animaux ici, sur la place de la République, et je suis dans les quatre évidemment.”

“Inonder le ministère de l’Environnement” de cartes postales pour attaquer le Danemark

Il n’a pas toujours eu le temps de se consacrer aux animaux avec ses cinq enfants et les entreprises de nettoyage qu’il a fondées et dirigées, mais depuis, il s’est bien rattrapé : en plus des nombreux animaux qu’il accueille dans son pavillon de banlieue, il prône un mode de vie complètement végétalien. Pas du tout “pour une histoire d’alimentation”, mais vraiment “pour lutter contre la souffrance animale”. Ravi de voir autant de monde à ce rassemblement, il s’interroge toutefois sur l’engagement réel de ceux qui se disent écologistes :

“Parce que si tu roules à vélo et que tu vas te taper un steak en arrivant, t’as pas fait avancer la cause. Nous, on avait fait un rassemblement comme ça pour d’autres espèces animales, on était 15 personnes… Bon, c’est bien qu’il y ait du monde, ils ont de la notoriété, ils ont besoin de gens.”

La présence de Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, et surtout de Paul Watson, fondateur de ce mouvement , réfugié à Paris, n’est sans doute pas pour rien dans cette mobilisation. D’ailleurs, le seul livre vendu au stand de Sea Shepherd – monté à droite de la scène afin de récolter des dons – est Earthforce, le “guide de l’éco-guerrier” du “capitaine” Watson. http://www.lesinrocks.com/wp-conten...

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Au stand de Sea Shepherd, on vend le livre de Paul Watson et on reçoit des dons (Kevin Poireault/Les Inrocks)

A 18h30, Lamya Essemlali commence un premier discours afin d’expliquer la raison de ce rassemblement, de rappeler ce qu’est la campagne de Sea Shepherd contre le grind aux îles Féroé et de présenter Christophe Bondue et Marianna Baldo, deux des sept militants arrêtés aux îles Féroé, qui racontent ensuite leur mésaventure.

@SeaShepherdFran Marianna Baldo & Christophe Bondue arrêtés le 23/07 aux Iles Féroé étaient hier à #Standup250Paris pic.twitter.com/AAoU1MoFGL

— Christ_Off Ⓥ (@JeProfite2LaVie) August 22, 2015

Dans son discours, Lamya Essemlali explique qu’au-delà de l’action directe, qui est nécessaire selon elle, il ne faut pas diaboliser les Féringiens mais plutôt essayer de discuter calmement avec eux (elle avait tenu le même discours à une journaliste d’Usbek & Rica ) :

“Il y a vraiment un noyau dur sur place, finalement très réduit en nombre, qui s’attache mordicus à cette tradition qu’est le grind. Mais ces gens-là sont beaucoup plus virulents que toute la masse de gens qui veulent que ça s’arrête. Il y a un effet miroir avec nous ici : si vous faites un sondage, il y a probablement 95% des gens qui trouvent ça choquant, mais combien montent au front ? Par volonté, courage ou même possibilité, tout le monde ne peut pas se le permettre.”

La présidente de Sea Shepherd France raconte aussi les démarches entreprises par l’ONG pour arrêter la chasse aux globicéphales (l’espèce de dauphin chassée par les Féringiens). Première stratégie : alerter la Commission européenne sur cette pratique interdite en Union européenne et réclamer le retrait des subventions européennes à ces îles dépendantes du Danemark. C’est un échec. “La Commission a botté en touche”, affirme Lamy Essemlali. Mais la véritable info de cette soirée arrive lorsque la présidente annonce le changement de cap du mouvement pour arrêter le grind :

“On a lancé une pétition pour que la France attaque le Danemark au tribunal de La Haye. En une semaine, elle a recueilli près de 90 000 signatures. on espère dépasser ça et mobiliser des gens connus pour la porter. Il y a de nombreuses pétitions qui circulent sur ce sujet, le problème est que la plupart sont adressées directement au Danemark, qui a du mal à se positionner là-dessus pour des raisons politiques et économiques.”

Lamya Essemlali ajoute que Sea Shepherd a mis à disposition des cartes postales pour “inonder le Ministère de l’environnement”. http://www.lesinrocks.com/wp-conten...

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L’arrivée du “capitaine” Paul Watson quelques minutes avant le début de l’événement (Kevin Poireault/Les Inrocks)

La COP21 ? “Une fumisterie”

Justement, après un sketch peu concluant de l’humoriste Jo Damas – “pas facile de faire rire avec ce sujet”, justifie Lamya Essemlali – voici venu le discours tant attendu de Paul Watson, traduit par la présidente de la branche française du mouvement. Pendant 20 minutes, celui-ci délivre un discours rodé mêlant son parcours personnel de militant et la dénonciation du grind. http://www.lesinrocks.com/wp-conten...

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Les applaudissements les plus longs et les plus forts sont ceux qui ont suivi le discours de Paul Watson (Kevin/Les Inrocks)

“Une des solutions pour freiner le changement climatique est une solution dont ils n’ont pas envie d’entendre parler, déclare le “capitaine” lorsqu’il évoque la future COP21 (la conférence sur le climat qui se tiendra en novembre-décembre prochains à Paris), l’océan est le principal régulateur du climat.” Paul Watson se lance ensuite dans une véritable démonstration, chiffres à l’appui, de la dégradation des océans depuis 50 ans au moins.

Pour une grande partie des gens réunis devant lui sur la place de la République, à Paris, cette COP21 ne servira à rien de toute façon. “Une fumisterie”, affirme Jean-Charles, qui ne prend pas du tout au sérieux les hommes politiques sur ce sujet :

“L’écologie, c’est une préoccupation citoyenne. Les politiques mettront toujours en avant les emplois et ont une vision à court terme. Si on veut vraiment faire un geste pour la planète, il faut changer nos habitudes alimentaires, point.”

Même constat chez Eva et Jules. Ce couple originaire de Seine-et-Marne habitués aux conférence de Paul Watson et donateurs de Sea Shepherd se disent “apolitiques” et considèrent que les “politiques ne veulent pas se donner le pouvoir de changer les choses pour l’écologie” pour ne pas déplaire à leurs électeurs. André, lui non plus, n’a pas grand espoir dans la COP21 :

“L’écologie politique : aucun intérêt. La politique doit changer les choses, mais ça se fera par les individus, pas par les politiques. Cette conférence, c’est de la foutaise, de la poudre aux yeux. Ils ne parlent que de ce qui les arrange : ils nous font chier pour rouler un jour sur deux, mais on n’entend jamais parler de végétarisme ou de végétalisme.”

20h30. Après tous ces discours, le rassemblement, “qui se veut très symbolique”, comme le clame au micro une bénévole de Sea Shepherd, se termine avec une formation humaine de 250 personnes placées en forme de croix brandissant des croix en bois tachées de faux sang. http://www.lesinrocks.com/wp-conten...

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Ce “quart-d’heure de silence” permet aussi aux équipes de Sea Shepherd d’immortaliser cette soirée (Kevin Poireault/Les Inrocks)

Ce moment de recueillement se transforme en un “quart-d’heure de silence” – en tout cas de silence humain – car les hauts-parleurs ont relayé le cri des globicéphales des îles Féroé. “On a laissé le mot de la fin aux globis”, conclut Lamya Essemlali.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2015/08/2...

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