Avenir de la télévision : “Le poste de télé reste un organe très puissant”

, par  Marie Turcan , popularité : 2%
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(La famille Simpson sur son canapé / Crédits : FOX)

Tu n’as pas de télévision ? Mais vers où sont tournés tous tes meubles, alors ?” Joey Tribbiani, héros de la série culte Friends, n’en croit pas ses oreilles. Dans la neuvième saison du programme, ce personnage, qui chérit plus que tout les soirées pizza-bière devant une partie de foot (ou un épisode d’Alerte à Malibu), n’arrive pas à concevoir que la jeune femme qu’il essaie de draguer ne possède pas de poste de télévision.

Le postulat est fort. La télé est présentée comme un lieu de convergence autour duquel tourne toute la vie du foyer. L’appartement fictif de Joey l’illustre parfaitement : les deux fauteuils géants qu’il partage avec son colocataire sont situés en plein milieu du salon, dirigés vers l’immense meuble de télévision.

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En 2003, date à laquelle cet épisode a été diffusé, l’Internet qu’on connaît aujourd’hui n’en était qu’à ses balbutiements. Personne ne disposait de la bande passante nécessaire pour regarder un film ou une série en ligne. Aujourd’hui, ces barrières techniques ont été abattues.

“L’écran de télévision est un écran pivot”

Les nouvelles pratiques de consommation de vidéos en streaming ont été récemment incarnées par l’arrivée du géant américain Netflix en France. Ce service de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) est entré avec fracas sur le marché de l’audiovisuel français, poussant un grand nombre d’acteurs de l’industrie à se poser les questions les plus extrêmes. Le poste de télévision est-il voué à disparaître ? Les chaînes linéaires vont-elles être progressivement délaissées par le téléspectateur ? Invités par la fondation Terra Nova, trois spécialistes ont tenté de nuancer cette approche, mardi soir (14 octobre 2014), lors d’un débat public dans les locaux de la mairie du IIIe arrondissement de Paris.

La télévision reste un organe très puissant”, assène dès les premières minutes Vincent Meslet, directeur éditorial d’Arte France. Pour lui, même si on a l’impression que le poste de télé traditionnel est délaissé, celui-ci reste “largement” plus utilisé pour consommer des programmes que les autres écrans, que ce soit pour la télévision “en direct” mais aussi pour ce qu’on appelle la télévision de rattrapage (“catch-up” en anglais). En effet, parmi les 2,2 millions de Français qui se sont adonnés à la catch-up cette dernière année, 60% ont consommé ces vidéos sur leur téléviseur, comme l’a souligné une récente étude de Médiamétrie.

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(Capture d’écran du communiqué de Médiamétrie / Crédits : Médiamétrie)

C’est d’ailleurs sur ce créneau que les acteurs français de la SVoD avaient espéré concurrencer le nouvel arrivant Netflix. Lors de la présentation de son offre début septembre 2014, Manuel Alduy, directeur de CanalPlay, avait insisté sur le fait que son service de vidéo à la demande par abonnement “était disponible sur les box, et non en l’air sur Internet“. Une petite pique en direction de Netflix, puisqu’à l’époque, seul l’opérateur Bouygues avait accepté de rendre le service américain accessible sur ses box. Ce qui pénalisait lourdement ce nouvel entrant, aux vues des pratiques de consommation des Français (80% consommerait CanalPlay via leur box et seulement 20% en ligne, d’après Canal). Aujourd’hui toutefois, Orange et SFR ont également annoncéqu’ils allaient tous autoriser Netflix sur leur box. Seul Free résiste encore.

L’écran de télévision est un écran pivot“, résume Jean-Maxence Granier, directeur-fondateur de Think out. Il est en revanche désacralisé : de plus en plus d’utilisateurs se posent devant la télévision, tout en utilisant d’autres appareils en même temps.

“Les usages sont devenus mixtes”

Si le poste de télévision principal reste très installé dans les foyers, il est vrai que la manière de consommer les contenus change. En moins d’un an, la consommation de vidéo en “catch up” en France a augmenté de 22% (entre fin 2013 et octobre 2014). Le nombre d’abonnés à Netflix après seulement deux semaines (100 000, d’après le Figaro,même si le premier mois d’utilisation a été offert, et que Netflix a bénéficié d’une publicité d’une grande importance dans les médias) montre également que les services de vidéo à la demande intéressent les Français.

“La chaîne de télévision linéaire est la forme historique de diffusion. On impose le contenu, l’horaire, la durée. Les nouvelles technologies, en revanche, multiplient le choix”, soulève Vincent Meslet.

C’est ici que le problème de l’immobilisme français est criant. “Netflix a commencé son développement à l’international depuis 2010“, raconte Valérie Champetier, fondatrice de la société d’étude sur les médias Think and Act. “Pourtant, on n’a pas réussi à créer une réelle alternative en France ! Aujourd’hui, il n’y a pas moins de 7 services de SVoD français, la concurrence est éclatée. Ça a laissé un boulevard pour Netflix.” Il aura fallu que le géant américain lance ses services dans l’hexagone pour que Orange, TF1 et Canal+ annoncent début octobre qu’ils sont en discussion pour s’associer et contrer Netflix avec une nouvelle offre.

Pour Jean-Maxence Granier, le constat est simple :

“Les usages sont devenus mixtes. Les téléspectateurs conservent des usages linéaires en début de soirée [pour le programme de 20h50, ndlr], mais en deuxième partie de soirée, ils vont entrer dans des logiques plus délinéarisées, se tourner vers des seconds écrans et de la vidéo en ligne.”

Reste à savoir si les acteurs français parviendront à devenir aussi incontournables sur les services en ligne que le sont les groupes français de chaînes de télévision classiques. Tout un programme.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2014/10/1...

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