BD : “J’aurai ta peau Dominique A”, une mise en abyme drôle et angoissante

, par  Anne-Claire Norot , popularité : 2%

“Il ne faut pas souhaiter la mort des gens/ça n’est jamais assez méchant.” Alors qu’il chante sur scène cette chanson extraite de La Mémoire neuve, Dominique A est loin de se douter que quelques instants plus tard, il va recevoir une lettre de menace de mort. Ce message anonyme va bouleverser sa vie et le forcer à se remettre en question. Est-il la proie d’un vrai fou malintentionné, est-il le jouet d’illusions et de son imagination ?

Évidemment, le Dominique A dont il est question dans l’album d’Arnaud le Gouëfflec et Olivier Balez, déjà auteurs d’une séduisante biographie du Chanteur sans nom – une vedette de music-hall des années 30 -, est un personnage de fiction. C’est un Dominique A tel qu’on ne l’imagine pas, qui fait des parties effrénées de jeux vidéo avec Philippe Katerine, qui se soûle pour oublier sa peur, qui se désole devant son frigo vide, qui, dans un geste rock’n’roll, détruit sur scène un ampli… Pourtant, c’est bien aussi le Dominique A que l’on connaît, talentueux et discret.

Dans cet album au délicieux tragi-comique, les auteurs ne cessent de jongler avec vérité et mensonges, apparences et réalité. Ils jouent sans vergogne sur les clichés qui depuis des années accompagnent Dominique A – son nom, son crâne rasé, son allure sérieuse et rigoureuse (“c’est ton petit côté moine-soldat”, lui dit Philippe Katerine) – et lui donnent un côté sombre, faisant du chanteur un personnage torturé, inquiet, amer, en proie aux regrets (la formidable planche où ils imaginent Dominique rêvant d’être quelqu’un d’autre), énervé à cause d’un fan qui lui ressemble.

Mais les auteurs reviennent aussi sur l’image de Philippe Katerine (“t’en connais un rayon, toi, en dinguerie”, assène Dominique), sur son succès phénoménal, et s’amusent à semer le doute sur les liens – amitié, rivalité ? – qui unissent les deux chanteurs, aux trajectoires si différentes malgré leurs débuts semblables et quasi simultanés. Le dessin expressionniste d’Olivier Balez, rehaussé par une mise en couleur élégante comme les chansons de Dominique, sert à merveille cette ambiance qui derrière l’humour reste angoissante et tendue.

Fine réflexion sur le thème du double et du sosie, J’aurai ta peau Dominique A est un récit malin aux multiples niveaux de lecture, et un splendide moyen de rappeler l’importance vitale de Dominique A, grand rénovateur de la chanson française dont on fêtera en février les vingt et un ans de carrière.

Anne-Claire Norot

J’aurai ta peau Dominique A (Glénat), 56 pages, 16 €

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/01/3...

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