Bitcoin, Dogecoin, Coinye West… vers l’invasion des monnaies virtuelles ?

, par  Carole Boinet , popularité : 2%

“Il y a environ cinq ans, quelqu’un m’a demandé de faire un concert (…) pour des centaines de milliers de bitcoins, j’ai répondu : ‘mais bien sûr”, regrettait la chanteuse anglaise Lily Allen, le 5 janvier sur Twitter, en accompagnant son message du hashtag “idiote”. Il y a cinq ans, en 2009, date de sa création, le bitcoin (abréviation officielle : BTC) ne valait rien. Il fallait 10 000 BTC pour acheter deux malheureuses pizzas. Aujourd’hui, un bitcoin culmine à plus de 690 euros. Lily Allen n’est pas la seule à avoir manqué le coche. Les médias raffolent de ces histoires, comme celle de ce jeune Gallois traversant désespérément une décharge pour retrouver un disque dur contenant 7 500 bitcoins (soit l’équivalent de 7 millions de dollars), qu’il avait jeté aux ordures quelques années auparavant.

Première monnaie électronique décentralisée et anonyme, bitcoin est basée sur un protocole internet inventé par un certain Satoshi Nakamoto, personnage mystérieux à la Keyser Söze de Usual Suspects, derrière lequel se cache(nt) le(s) véritable(s) programmateur(s). La monnaie s’est développée au départ dans des milieux geeks et crypto-anarchistes, en gros sur le darknet, la face cachée (et sombre) d’internet, non indexée par les moteurs de recherche. Il faut attendre 2010 pour que bitcoin fasse sa première apparition médiatique lorsque WikiLeaks l’utilise pour contourner le blocage de ses dons par des institutions bancaires suite au scandale du “Cablegate” (la publication de messages diplomatiques américains ultra confidentiels par le site de Julian Assange).

Créer sa monnaie est désormais à la portée de tout le monde 

Le bitcoin devient alors l’alternative parfaite aux moyens de paiement traditionnels. La monnaie virtuelle a refait son apparition dans les médias internationaux suite à la fermeture en octobre 2013 de Silk Road par le FBI. A peine un mois plus tard, une seconde version du site a rouvert : sur cet eBay du marché noir, le précieux bitcoin permet d’acheter et de vendre drogues, faux papiers, contrefaçons, médicaments…

Le succès de bitcoin, régulièrement présentée comme une “monnaie geek”, tient également au fait qu’elle s’appuie sur une licence open source permettant à n’importe qui de bidouiller son code. La plus connue des monnaies alternatives se nomme litecoin et a été créée en novembre 2011 pour répondre à certaines lacunes perçues dans le protocole bitcoin. Aujourd’hui, lancer sa monnaie virtuelle est à la portée de n’importe quel internaute. Même si vous n’avez pas fait HTML deuxième langue au lycée, des plates-formes comme Coingen vous permettent de créer votre devise en deux minutes chrono, moyennant une trentaine d’euros.

A part aider Assange ou se procurer de la drogue, le bitcoin peut aussi servir à acheter tout un tas de produits sur des sites acceptant ces devises (répertoriés sur coinmap.org). Il suffit pour cela de convertir ses euros en BTC sur une des places de marché existantes comme l’Européenne Bitcoin Central. L’échange de bitcoins se fait entre deux portefeuilles numériques, à l’aide de clés privés (pour payer) et publiques (pour effectuer un dépôt) qui permettent l’anonymat, sans organisme central gérant le réseau, sur le mode, donc, du peer-to-peer. Sur la dizaine de millions de bitcoins existants, 80 % ne sont pas en circulation.

La mise en circulation de cette monnaie est assurée par la puissance de calcul d’ordinateurs en réseau (on parle de “mineurs”) qui confirme les transactions, assure leur sécurité et génère en guise de récompense de nouveaux bitcoins. L’intérêt de cette devise 2.0 ? “Vous pouvez effectuer une transaction en dix minutes, sans coût, à l’autre bout du monde”, répond Nicolas Houy, économiste au CNRS. “Nous sommes au début de son processus de démocratisation comme face à internet en 1995 : les usages de la monnaie virtuelle sont encore à inventer.”

dogecoin

Les monnaies absurdes se multiplient 

Culture LOL oblige, les monnaies fantaisistes font florès. Parmi celles en circulation, on trouve la pikacoin en hommage au fameux Pokémon, la biebercoin, référence au chanteur prépubère, ou bien encore la 4chancoin, émanation du célèbre forum. Mais ces blagues prennent parfois un tournant sérieux.

La valeur totale du dogecoin, basé sur le mème Doge (un chien japonais qui s’incruste sur des photos agrémentés de petits commentaires colorés avec une police de caractères Comic Sans MS ndlr), est actuellement de 7 millions de dollars, en faisant la seizième monnaie alternative la plus rentable. Créer une monnaie frappée d’un chien star de l’internet est également un moyen d’en faire monter le prix.

Récemment, des internautes anonymes ont ainsi eu l’idée de lancer la coinye west à l’effigie de Kanye West. Sur la pièce dorée, le fiancé de Kim Kardashian apparaît avec son bouc bien taillé et ses célèbres lunettes grillage sous forme de poisson. Une initiative qui n’a pas plu au rappeur qui, selon le New York Post, a déposé plainte le 14 janvier à New York contre les créateurs anonymes de la monnaie virtuelle. La coinye west ne devrait jamais voir le jour : son site officiel, Coinyeco, affiche désormais la mention “Coinye est morte. Tu as gagné, Kanye. Le site est fermé”, et Coinye-Exchange.com, un des sites qui devaient la commercialiser, n’est plus accessible. Pourtant, dans une interview au Wall Street Journal parue le 7 janvier, un des développeurs de la Coinye West assurait vouloir la “rendre publique avant que le mec essaye de nous stopper. Ils nous poursuivront quand même mais c’est ok“.

Monnaie du futur ou outil spéculatif ?

Monnaie du futur pour les uns, système de Ponzi (montage financier frauduleux utilisé par Bernard Madoff) ou outil spéculatif pour les autres, le bitcoin divise aujourd’hui les économistes. La devise 2.0 a connu plusieurs krachs après des envolées record où elle a dépassé la barre des 1 000 dollars. Au début du mois de décembre, la Banque de France a taillé le bitcoin en pièces, mettant en garde contre les “dangers” de cette monnaie numérique qui “présente peu ou pas d’intérêt pour une utilisation par les acteurs économiques, au-delà des aspects marketing et publicitaires, tout en les exposant à des risques importants”. Le même jour, la banque centrale chinoise a interdit aux institutions financières du pays de l’utiliser.

Les banques ont de quoi être méfiantes, ces monnaies menacent leur hégémonie. “Nous ne sommes qu’au début d’une nouvelle révolution monétaire”, estime Philippe Herlin, auteur de La Révolution du bitcoin et des monnaies complémentaires. “Les monnaies officielles resteront encore longtemps prédominantes, mais elles seront mises en concurrence, comparées, et il y a peu de chance que ça tourne en leur faveur.”

Dans les années à venir, on pourra ainsi faire ses courses et payer grâce à une application Bitcoin installée sur son smartphone. En Afrique de l’Ouest, c’est déjà le cas. Dans cette région qui possède peu d’institutions bancaires, l’opérateur Orange a mis au point un moyen de paiement par téléphone mobile. Il compte aujourd’hui plus de 4 millions d’utilisateurs…

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2014/01/2...

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