Björk en cinq pochettes d’albums

, par  Laura Cuissard , popularité : 1%
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Les pochettes de Björk sont presque aussi attendues que ses albums. Elle y enfile, chaque fois, le costume d’un nouveau personnage – autant de pistes supplémentaires pour comprendre sa musique. En neuf albums, elle décline son rapport à l’humanité (humaine ou monstre), à la féminité (belle ou inquiétante) et à l’amour (romantique ou pragmatique). Récemment, elle expliquait la pochette de son dernier album, Vulnicura, peut-être la plus étrange. Mais d’autres ne sont pas en reste.

@@b@@Debut (1993) : la gamine sauvage

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Juillet 1993, Björk a 28 ans, et en fait 10 de moins. Pour son premier album international, la photo est en noir et blanc. La belle Islandaise y est sans phare, vêtue d’un pull angora un peu large. Son regard enfantin planté dans l’objectif, impertinente. L’auteur de la photographie, Jean Baptiste Mondino, explique l’ambiguïté du cas Björk lorsqu’il prend cette photo.

“La première impression que j’ai eue d’elle ­et qui dure­, c’est qu’elle est un mélange de maturité et d’enfantin (…). Mon travail avec Björk n’avait rien à voir avec les représentations esthétiques que j’avais eues jusque-là, quand je portais à l’écran ou en photo des femmes chez qui, souvent, la sexualité dominait. (…) Certaines ont l’impudeur de se déshabiller, de se mettre à poil, de faire des choses provocantes, elle a l’impudeur et la provocation de nous montrer quelque chose d’intime mais autre.”

Elle pourrait sourire mais sa bouche est cachée derrière ses mains jointes de petite fille sage, comme pour retenir un fou rire. Deux éclats de lumière sous ses pupilles : ce n’est pas de la malice, mais deux paillettes déposées sous ses paupières. Elle a les cheveux ébouriffés d’une enfant sauvage qui les auraient emmêlés à force de trop courir. C’est la cover la plus simple et épurée, qui n’inquiète ni ne rebute.

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Homogenic (1997) : la guerrière de l’espace
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Quatre ans plus tard, Björk est méconnaissable. Elle n’a plus rien de la gamine rieuse de Debut. La photo sur son quatrième album, Homogenic, prise par Nick Knight, la montre en geisha futuriste assez effrayante. Elle est ultra féminine, revêtue d’un kimono fleuri bordé de rouge (une création d’Alexander McQueen), mais le sentiment de menace n’est jamais loin. Ambivalence encore avec son cou cerclé de bagues de métal telle une femme girafe, comme si sa tête sortait d’un tuyau tout en lui donnant un port de reine. Le regard est noir et vide, et son crâne porte ses cheveux rassemblés en deux chignons, dressés comme deux antennes. Dans une interview, la chanteuse expliquait vouloir devenir une guerrière pour cette pochette.

“Une guerrière qui ne se bat pas avec des armes mais avec l’amour. J’avais dix kilos de cheveux sur la tête, des lentilles spéciales et une manucure qui m’empêchait de me ronger les ongles, du scotch autour de la taille, des sabots qui m’empêchaient de me déplacer.”

Enième paradoxe : alors que sa voix s’envole, capable d’attendre la moindre note sans effort, son corps, lui, semble cloué au sol par tout un attirail d’accessoires la rangeant du côté des extraterrestres.

@@b@@Vespertine (2001) : la ballerine vulnérable

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Retour à une féminité moins inquiétante. En ce début de XXIème siècle, elle se détache de la figure robotique figée des albums précédents pour revenir vers son image de jeune femme. Elle n’est plus l’enfant de la couverture de Debut, mais une femme séduisante sous le soleil rappelant Harriet Andesson dans Un été avec Monika (1953) d’Ingmar Bergman. Elle n’est plus, non plus, la femme forte d’Homogenic : allongée sur le dos, le bras ramené sur le visage, elle semble se protéger, à la fois victime et soumise.

A son cou, un cygne l’enlace, la tête de l’animal repose amoureusement sur son sein. Björk voulait la présence d’un cygne parce que elle conçoit Vespertine comme “très hivernal et ils (les cygnes) sont blancs, une sorte d’oiseau d’hiver. Et bien sûr ils sont très romantiques, très monogames.” rapporte Mark Pytlik dans sa biographie de la chanteuse Wow and Flutter (2003). Ce cygne est en réalité une robe de la styliste Marjan Pejoski que Björk portera lors de la cérémonie des Oscars en 2001, provoquant de nombreuses moqueries.

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Volta (2007) : l’objet asexué
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Volta est sans doute la pochette sur laquelle la chanteuse est la moins humaine. Elle n’est désormais plus un robot ni un alien – elle devient carrément un objet. Elle pourrait aussi bien être une bouteille, une poire, une poule ou un jouet de Kinder Surprise. C’est rond, lisse et brillant comme du plastique, coloré comme une plante exotique. La seule preuve d’humanité, ce sont ces deux gros pieds violets qui ressemblent d’avantage à des pattes de monstres. Ce n’est pas un hasard si pour cette pochette elle décide de se transformer en un objet pop à la Andy Warhol : elle parle de Volta comme l’album plus commercial qu’elle ait jamais fait, avec des collaborations avec le très mainstream Timbaland.

Vulnicura (2015) : le monstre solaire
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Peut-être la pochette la plus mystérieuse de la carrière de la chanteuse Islandaise : Björk ressemble à un monstre recouvert d’une couronne de plastique. Sa combinaison de latex noir, ultra moulant, lui rend la peau lisse et brillante comme celle d’un cobra. Cela pourrait être sexy sauf qu’elle s’ouvre au niveau du torse, comme une entaille qui rappelle une blessure (ou un vagin, à vous de voir). Elle est recouverte de pics de plastique jaunes et bleus irradiants. C’est à la fois sombre et solaire. Björk expliquait ce choix il y a quelques jours à la BBC Radio 1 en parlant de la schizophrénie que peut ressentir un cœur brisé, elle qui a écrit cet album à la suite de la rupture avec son compagnon.

“Quand tu vis une période difficile, tu as cette noirceur, mais comme c’est souvent le cas, tu ressens aussi l’inverse, des explosions de lumières jaunes – donc tu connais cette dépression, avec ses moments de joies intenses et ses contrastes. C’est assez drôle de voir comment l’ête humain réagit. Et il y a des tonnes de chansons, comme Last Night A DJ Saved My Life, avec tous ces gens sur le dancefloor, habillés en habits disco, qui dansent au rythme de leur coeur brisé. (…) Parfois, la peine enfante de la lumière, du rêve, de la joie intense, ils sont parfois jumeaux, ils s’accompagnent et se complètent.”

Quelques années avant elle, en 1992, Léonard Cohen se faisait la même remarque : comme il est étrange que la douleur peut aussi engendrer de la beauté. “There is a crack in everything, that’s where the light gets in” (“Il y a une fêlure dans toute chose, et c’est de cette manière que pénètre la lumière”), répète t-il dans la chanson Anthem.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2015/01/2...

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