“Bobards d’or”, comment l’extrême droite surfe sur la défiance anti-médias

, par  David Doucet , popularité : 2%

Jean-Yves Le Gallou à la cinquième cérémonie des Bobards d'or (Capture d'écran)

Sur l’air d’“On nous cache tout, on nous dit rien” de Jacques Dutronc, la cinquième édition des Bobards d’or s’est ouverte ce mardi 11 mars à Paris, dans un amphithéâtre de deux cents places du IXe arrondissement parisien. Depuis 2010, cette cérémonie annuelle retransmise sur 14 sites de la réacosphère (dont Novopress, Fdesouche, Egalité et Réconciliation, le Salon Belge et Nouvelles de France…), récompense avec des prix en forme de Pinocchio les “pires mensonges proférés par les médias au nom du politiquement correct”.

Derrière ce grand raout “anti-merdias”, on retrouve la fondation Polémia, le think tank dirigé par Jean-Yves Le Gallou. Théoricien de la “préférence nationale” et ancien député européen FN, ce sexagénaire au crâne dégarni a abandonné le combat électoral au profit du combat métapolitique au début des années 2000. Aujourd’hui, Jean-Yves Le Gallou est l’un des intellectuels les plus importants de l’extrême droite française.

“Un gramscisme technologique”

Ancienne figure de la Nouvelle Droite (une école de pensée composée du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE) et du Club de l’horloge, qui a mené une bataille métapolitique afin de faire triompher ses idées dans les années 70 et 80 NDLR), Le Gallou incite depuis des années ses ouailles à investir le web. En 2008, il a publié Douze thèses pour un gramscisme technologique. Dans cette vulgate de l’activisme en ligne, l’ancien député européen explique que pour l’extrême droite, l’enjeu est désormais de “contourner et de délégitimer les médias traditionnels grâce à Internet”.

Ce mardi 11 mars, Le Gallou jubile. Cette cinquième édition des “Bobards d’or” a fait salle comble : environ trois cents personnes endimanchées se sont massées pour assister à la remise des prix. Dans le public, on remarque Paul-Marie Couteaux, tête de liste FN-Rassemblement Bleu marine dans le VIe arrondissement de Paris et Emmanuel Ratier (écrivain nationaliste, auteur de la revue bimensuelle Faits & Documents).

“Combattre les troupes d’occupation mentale”

En tenue de gala et avec un nœud papillon rouge soigneusement noué, Le Gallou monte à la tribune pour donner le ton de la soirée.“Les médias sont les troupes d’occupation mentale qui monopolisent notre esprit”, lance l’énarque reprenant ainsi l’expression de Laurent Ozon, l’ancien conseiller de Marine Le Pen.

Après avoir fait applaudir la chute des ventes de Libération, et cité un sondage Ipsos selon lequel 72 % des Français estiment que les journalistes sont coupés des réalités, il attaque le cœur du sujet. Powerpoint à l’appui, le président de la cérémonie en vient aux propositions qu’il énumère comme autant de préconisations permettant de démanteler le “système médiatique”.

“Assurons la promotion gratuite de ceux qui discréditent le mieux les médias de l’oligarchie par leur suffisance, leur arrogance et leurs excès. Ah ! cher Patrick Cohen, chère Caroline Fourest, cher Christophe Barbier, adorable Bruno-Roger Petit, merveilleux Frédéric Haziza : merci d’en faire trop ! Continuez !”, s’exclame-t-il sous un tonnerre d’applaudissements.

“Une école de journalisme alternatif”

Le Gallou reprend la parole. “Développons l’esprit critique de nos concitoyens, sapons ce qu’il leur reste de confiance dans les médias”, lance-t-il avec la main droite levée. “Les médias sont malmenés dans les manifs, c’est malheureux”, se gausse-t-il devant une foule hilare. Avant d’adjoindre ses ouailles à s’engager davantage sur le net. “Semons le doute chez les journalistes et dans les médias de propagande en postant des commentaires et des tweets”. Le Gallou prévient : “Sans agressivité ni invective, cette fois-ci mais avec des faits, rien que des faits.” Pas en manque d’idées, l’ancien théoricien de la préférence nationale envisage même de “professionnaliser les médias dissidents en lançant une école de journalisme alternatif”.

Au cours de la cérémonie présidée par un jury de huit personnes (dont une femme seulement, Gabrielle Cluzel, animatrice du site Boulevard Voltaire), une dizaine de “Bobards” ont été distribués dans une ambiance chaude, soit par votes à main levée, soit à l’applaudimètre. L’animateur de la soirée n’hésitant pas à encourager le public à “vociférer” pour mieux distinguer les “gagnants” : Yann Barthès, Maurice Szafran, Jean-Jacques Bourdin, David Pujadas, Patrick Cohen, Christophe Barbier, Pascale Clark, Maïtena Biraben…

Un observatoire des médias et une web TV

Généreux, les membres du jury ont attribué un “Bobard d’or”  à “l’ensemble de la presse”, pour avoir parlé à trois reprises d’un suspect d’extrême droite lors des attentats de Boston, de l’affaire Merah et de l’attaque de BFMTV, alors que ce n’était pas le cas. Oubliant au passage que lorsqu’Anders Breivik a tué 77 personnes à Oslo et sur l’île d’Utoya en 2011, les médias ont d’abord unanimement et imprudemment crié au loup islamiste.

Le “grand bond offensif”  contre les médias que Jean-Yves Le Gallou appelle de ses vœux semble produire ses premiers résultats. En 2012, son ami Claude Chollet (président du GRECE en 1984), a lancé l’Observatoire des journalistes et de l’information médiatique (Ojim). Ce site entend “informer sur ceux qui vous informent”. Une télévision alternative identitaire baptisée TV Libertés a également été lancée par Philippe Milliau (ancien membre du GRECE et ex-responsable du Bloc identitaire)….

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2014/03/1...

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