Clara Luciani : “Je réussis à survivre sans ordinateur”

, par  Camille Desbos , popularité : 2%
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Clara Luciani photographiée par Huan Cupillard (c)Huan C.

A l’aube de ses 24 ans, Clara Luciani semble se destiner à une belle carrière. Du haut de sa taille mannequin, elle peint un tableau à l’univers rétro et romantique. Précédemment chanteuse dans La Femme, Nouvelle Vague, Bristol ou le duo Hologram, elle a ensuite accompagné le chanteur Raphaël sur scène pendant près d’un an. Nous l’avions déjà présentée lors de l’annonce des10 nouvelles têtes à l’affiche du festival We Love Green.

Artiste pop, sa voie suave et sensuelle ajoute une touche colorée à la mélancolie qui émane de ses yeux sombres. En attendant la sortie de sonpremier EP en solo en septembre prochain, nous l’avons rencontrée pour évoquer son rapport à Internet.

Tu fais partie de la génération instantanée qui a grandi avec le web. Quel est ton rapport avec internet aujourd’hui ?

Clara Luciani – Je n’ai pas d’ordinateur et j’ai réussi à survivre (rires). J’ai un rapport assez distancé et paradoxale avec internet. Je me sens totalement libre et je suis pourtant toujours en train de regarder le fil d’actualité de mon portable. Aujourd’hui, on peut faire pas mal de chose sans avoir besoin d’un ordinateur. Je subis parfois quelques moqueries dans le milieu professionnel : impossible d’ouvrir les documents en “We Transfer”. Ne pas avoir d’ordinateur me permet de ne pas perdre trop de temps scotchée devant l’écran.

Quels sont les sites que tu consultes dès ton réveil ?

Dès mon réveil, je regarde le fil d’actualité qui s’affiche sur mon portable. Aller sur facebook et instagram est devenu un réflexe.

Quel est ton réseau social préféré ?

Je n’ai ni Snapchat, ni Twitter. Donc : Facebook et Instagram. J’ai un usage totalement différent de ces deux applications. Pour moi, Facebook est personnel. Instagram est lié à mon travail. Les deux sont importants. Instagram s’est imposé à moi tardivement. On m’a un peu poussé dans cette direction. Aujourd’hui, c’est devenu essentiel pour un artiste. Instagram te permet de publier les séances d’enregistrement, les backstages, les photos de concert… De partager ces instants avec les personnes qui suivent ton travail. En pleine construction de carrière, c’est important. Le phénomène s’est complètement généralisé dans tous les milieux.

Tu es sur la voie ascendante de ta carrière, as-tu déjà pensé à faire le buzz sur les réseaux sociaux en postant des vidéos sur youtube ?

Je ne suis pas très forte pour me mettre en scène ou pour m’auto-promouvoir. C’est peut être complètement réactionnaire mais j’ai l’impression que c’est un phénomène très générationnel, moins personnel et donc moins authentique. Les gens font rapidement parler d’eux, ensuite le public les oublis vite. J’ai envie de construire quelque chose de durable, moins sous l’effet de l’instantané. Tout ce qui m’est arrivé a été le résultat de rencontres. Les choses sont venues à moi naturellement. Dans la vie, il existe une sorte de magie qu’il est nécessaire de conserver coûte que coûte.

Le web offre t-il de nouvelles opportunités aux artistes en herbe ?

Oui clairement. Il y a des plateformes (comme SoundCloud) qui permettent à beaucoup de personnes de se faire repérer. Certains directeurs artistiques passent du temps dessus. C’est un bon tremplin.

Aurais-tu pu lancer ta carrière en passant par un site de financement participatif comme My Major Company ?

Non, je ne crois pas. Je suis à la vieille école. Je n’ai pas envie de provoquer les choses. Là encore, la mise en scène qui entoure ces plateformes me paraît peu naturelle. Cela ne m’excite pas vraiment.

As-tu déjà réfléchi à la manière dont tu allais gérer ton image si ta carrière prend un tournant décisif et te fait connaître au grand public ?

Je crois que si un jour ma notoriété s’accroît, cela ne me changera pas. Par conséquent ma façon d’agir sera la même. Je partage beaucoup de moments liés à ma musique. Je ne mets pas ce que je mange ni le moindre de mes gestes… C’est un peu pathétique de devoir en arriver là. Je suis très heureuse que l’évolution de ma carrière soit accessible à tous mais il ne faut pas trop en faire.

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Clara Luciani (c)Camille Desbos

Attaches-tu beaucoup d’importance à l’image que tu peux renvoyer par le biais des réseaux sociaux ?

Sur internet les gens sont parfois cruels. Je crains certains comportements. Je suis souvent frappée par l’agressivité qui émane de tout ça. Dès qu’il y a l’intermédiaire d’un écran, les langues se délient plus facilement.

Trouves-tu tes inspirations sur le net quand tu écris ?

Quelque part, oui. Il y a beaucoup de poèmes que je n’ai pas dans ma bibliothèque, je les retrouve sur internet. L’autre jour je suis allée relire “Je ne voudrais pas crever” de Boris Vian , ou encore ceux de John Keats … C’est sympa d’avoir accès à toutes ces informations archivées sur la toile.

Serais-tu capable de te couper totalement d’Internet ?

J’adorerai ! Je pense que je pourrais le faire trois jours mais pas plus longtemps. J’aime être connectée avec les personnes que j’aime. Me couper des mails et des messages me parait difficilement envisageable. Je suis dans l’hyper-communication. En même temps, nous sommes poussés à ça…

Dans tes chansons, tu sembles romantique, mélancolique ; pour toi les mails ont le même usage que les lettres ?

Cela n’a pas le même charme. J’ai écrit une chanson qui se nomme “Amour épistolaire“, il s’agit de deux personnes qui tombent amoureuses par correspondance. C’est assez désuet mais cela me fascine. Je suis un peu nostalgique de cette période. Il y a une phrase d’un poème de Marceline Desbordes-Valmore qui m’inspire “Une chère écriture est un portrait vivant“. On met moins de ce que l’on est dans nos mails que dans nos lettres.

Et si je te dis “Tinder” ?

Quand je pense à “Tinder“, je pense “Amour” mais on ne peut pas vraiment parler d’Amour. C’est mon côté romantique qui s’exprime. Je n’ai jamais utilisé ce genre d’application. Là encore, j’aime quand les rencontres sont naturelles. Je ne blâme pas du tout les personnes qui utilisent Tinder, il y a des solitudes qui sont difficiles à porter. C’est le côté “superficiel” qui me gêne. Dans la vie tout ne se passe pas comme sur Tinder et heureusement ! On tombe souvent amoureux pour des raisons autres que le physique. Tout cela nous donne une triste image de nous-même et de notre génération. J’éprouve de la nostalgie d’un temps que je n’ai pas connu mais que j’imagine meilleur… C’était plus inspirant !

Ton hashtag préféré quand tu postes une photo sur instagram ?

Je suis très mauvaise pour ça. Je mets souvent #paris ou encore #jazzmaster. Du coup j’ai beaucoup de passionnés de guitares qui me suivent…(rires)

Photos et propos recueillis par Camille Desbos.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2016/06/2...

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