De The West Wing à Desperate Housewives : adieu Kathryn Joosten

, par  Olivier Joyard , popularité : 2%

Quand un acteur important meurt, une part d’imaginaire disparaît dans les limbes. Kathryn Joosten était-elle une actrice importante ? A nos yeux, cela ne fait aucun doute. Elle n’était pourtant pas une star, plutôt une de ces figures familières croisées au fil d’une vie de spectateur de séries. Une vieille connaissance, une sans-grade, un éternel second rôle (Urgences, Seinfeld, Frasier, Ally McBeal, Earl, Buffy contre les vampires, etc.), qu’on appelait exclusivement par le nom de ses personnages. Qui d’ailleurs connaissait le véritable patronyme de Mrs Landingham (A la Maison Blanche) et de Karen McCluskey (Desperate Housewives) avant l’annonce de la mort de l’actrice au début du mois de juin, à l’âge de 72 ans ? Pas grand monde. Un comédien de série apprend parfois à vivre et à mourir dans un anonymat paradoxal.

Pour nous, Kathryn Joosten était devenue au fil des années un équivalent féminin et télévisuel de Walter Brennan, ce soutier du Hollywood de l’âge d’or, qui avait traversé tout le cinéma classique avant de devenir vraiment inoubliable après ses 60 ans, en interprétant Stumpy dans Rio Bravo de Howard Hawks (1959). Quelque chose les rapprochait dans la singularité de leur visage, dans leur manière de s’exprimer, dans l’émotion immédiate qu’ils dégageaient.

L’oeil vif, l’air de s’en foutre

Si plus encore que son aîné, elle s’est complètement révélée à l’heure où certains prennent leur retraite, Kathryn Joosten n’a pas apposé sa marque sur toute l’histoire de son art. Et pour cause. Elle n’a commencé à tourner qu’à 40 ans révolus, après un divorce et une première vie d’infirmière psychiatrique. Cet air de la fille qui en a vu d’autres lui venait peut-être de là. Elle semblait comprendre et avaler en silence la douleur de ses camarades humains. Elle savait renvoyer la balle avec vitesse et précision, l’oeil vif, l’air de s’en foutre mais pas tant que ça.

Dans A la Maison Blanche saisons 1 et 2 (1999-2001), Joosten interprétait la secrétaire principale du président Bartlet (Mrs Landingham, donc) avec juste le recul et l’empathie nécessaires. Son duo de choc avec Martin Sheen reste emblématique du style du scénariste Aaron Sorkin : un homme de pouvoir, une femme de tête et quelques valses dialoguées à en perdre haleine entre eux deux. Un épisode entier d’A la Maison Blanche est consacré à la disparition brutale et déchirante de Mrs Landingham, en toute fin de saison 2. Il appartient aux dix meilleurs de toute la série, ce qui n’est pas un mince exploit.

Dès 2001, nous avions donc vu disparaître Kathryn Joosten, bien avant que le réel ne reprenne ses droits. Cela ne veut pas dire que nous en avions accepté l’idée. Marc Cherry, créateur de Desperate Housewives, l’a intégrée. Ceux qui n’ont pas encore vu la fin de la série féminine numéro un des années 2000, diffusée récemment aux Etats-Unis et le 21 juin sur Canal+, peuvent stopper ici la lecture de ce texte, pour cause de spoiler implacable. Les autres remarqueront avec nous que Desperate Housewives, autrefois passionnante, n’a pas vraiment conservé sa grandeur dans ses derniers instants. Sauf avec le personnage de Karen McCluskey, la voisine toujours bougonne présente depuis la première saison et désormais atteinte d’un cancer des poumons. Sa mort dans l’ultime épisode s’est imposée comme un moment marquant et troublant, la même maladie ayant emporté l’actrice à l’écran et dans la vie. Un point final à la hauteur d’une femme discrète, dont la présence à la fois douce et bizarre restera comme l’un des emblèmes les plus forts d’une époque bénie des séries. Où êtes-vous Mrs Landigham ?

Olivier Joyard

Desperate Housewives Episode final, le 21 juin à 20h50 sur Canal +

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2012/06/1...

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