De l’affaire des caricatures à la tuerie du 7 janvier, comment Charlie Hebdo est devenu une cible

, par  Serge Kaganski , popularité : 2%
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L’affiche du film de Daniel Leconte

L’origine de l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo remonte sans doute au 30 septembre 2005 du côté de Copenhague. Un quotidien local, le Jylland Posten, publie 12 dessins caricaturant Mahomet, en réponse à un écrivain se plaignant que depuis l’assassinat de Theo Van Gogh par des islamistes, aucun dessinateur n’ose illustrer son ouvrage sur le Prophète. Le but est d’illustrer la question de la liberté d’expression et de la liberté de la presse en particulier.

Début 2006, les gouvernements arabes commencent à réagir

Au début, cette publication ne suscite pas de grands remous, en dehors de protestations de la communauté musulmane danoise. L’association Société islamique du Danemark poursuit le journal. Après avoir été déboutée, elle charge un imam d’aller sensibiliser les pays arabes. Début 2006, les gouvernements arabes commencent à réagir officiellement aux caricatures, alors que les caricaturistes danois et leur rédacteur en chef reçoivent des menaces de mort. L’affaire s’emballe, prend une dimension internationale.

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En France, alors que France Soir est le premier journal français à publier les caricatures le 1er février 2006, Charlie Hebdo lui emboîte le pas le 8 février pour un numéro historique, illustré en couve par un dessin maison signé Cabu (l’une des victimes de la tuerie) : on y voit un Mahomet se prenant la tête dans les mains et déclarant : “C’est dur d’être aimé par des cons”. Les “cons” visés sont bien sûr les intégristes, mais une partie de la communauté musulmane se sent visée.

Une polémique nationale

Une polémique nationale s’ensuit, opposant les partisans de la liberté de la presse à ceux qui estiment que l’hebdomadaire va trop loin dans la provocation. Les premiers estiment que Charlie vise une croyance, une religion et ne contrevient nullement aux lois et principes républicains alors que les seconds jugent que Charlie glisse vers une forme de racisme. Le président Jacques Chirac appelle les journaux ayant repris les caricatures à faire preuve de “plus de responsabilité et de respect envers les sentiments religieux”.

Le 28 février, le député UMP Jean-Marc Roubaud dépose une proposition de loi rétablissant le délit de blasphème. L’UOIF et la Grande Mosquée de Paris engagent une procédure contre Charlie Hebdo pour “injures publiques à l’égard d’un groupe de personne en raison de leur religion”. Elles seront déboutées en première instance puis en appel. La Cour d’appel juge néanmoins que le dessin qui représentait Mahomet portant une bombe dans son turban était, “pris isolément, de nature à outrager les adeptes de cette religion (l’islam)” et que “ce seul dessin est en lui-même choquant ou blessant pour les musulmans”.

Les juges estimeront que les limites de la liberté d’expression n’ont pas été dépassées

Pour autant, sur le fond de l’affaire, les juges estiment que “le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal Charlie-Hebdo, apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans” et “que les limites admissibles de la liberté d’expression n’ont donc pas été dépassées”. On pensait que l’issue du procès avait mis un point final à cette affaire. En 2008, un documentaire de Daniel Leconte, C’est dur d’être aimé par des cons, y revenait en déroulant le film des évènements et notamment du procès.

Le 2 novembre 2011, les locaux de Charlie Hebdo avaient été détruits par un incendie en représailles contre les caricatures. Loin de mettre la pédale douce sur ses critiques et caricatures de l’intégrisme musulman, Charlie Hebdo y revenait régulièrement par ses couves ou dessins intérieurs et avait publié un hors série intitulé Charia Hebdo. Les tueurs viennent de mettre le coup d’arrêt le pire possible à cette conception anticléricale du journalisme et de l’humour.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2015/01/0...

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