De la charrette aux lasagnes, l’affaire du cheval expliquée en dix points

, par  Geoffrey Le Guilcher , popularité : 2%

Un échantillon de viande en cours d’analyse dans un laboratoire allemand, le 18 février 2013 (Michaela Rehle/Reuters)

1. Abattoirs à la fois pleins et roumains

La bonne combine débute avec une loi votée au pays de Dracula. Afin de réduire la présence de charrettes sur les routes, les députés roumains ont interdit la circulation sur la voie publique des carrioles attelées d’un canasson. Des queues se sont formées à l’entrée des abattoirs. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2006, il y avait 834 000 chevaux en Roumanie. En 2013, ce chiffre serait inférieur à 500 000. Justement fabriqué à partir de carcasses de cheval, le minerai de viande (voir point numéro 8) a vu son prix chuter.

2. Voyage voyage

Des affairistes flairent le filon. Un trader néerlandais, sous-traitant d’un autre trader chypriote, passe des commandes en Roumanie pour envoyer du minerai de cheval en France : dans l’entreprise Spanghero à Castelnaudary dans l’Aude. Cette filiale de Lur Berri s’avère être une coopérative basque pilotée par l’homme d’affaire Barthélémy Aguerre. En sortant de l’entreprise Spanghero, la viande se trouve étiquetée “viande de boeuf”.

Le minerai de cheval déguisé en boeuf poursuit son voyage européen et atterrit ensuite au Luxembourg, dans l’usine Tavola qui en fait des lasagnes. Le plat cuisiné maison est ensuite envoyé à Metz, dans une société du nom de Comigel, qui redistribue le tout à ses clients : au moins 28 entreprises dans 13 pays européens, dont Picard, Findus, Auchan, Monoprix et Carrefour. Bref, on a tous mangé un jour du bourrin.

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3. Comment a été révélé le “chevalgate” ?

Selon sa chronologie détaillée, l’affaire débute le 16 janvier. De l’ADN de cheval est identifié dans des hamburgers surgelés vendus au Royaume Uni et en Irlande par la chaine de supermarchés Tesco. L’ADN a été repéré dans une sorte de poudre d’additif hyperprotéiné. Les autorités sanitaires britanniques localisent également cette poudre dans des “plats” de Burger King puis, le 7 février, dans des spaghettis et des lasagnes de la marque Findus. Ces dernières pâtes étant distribuées par l’entreprise française Comigel, le “chevalgate” arrive dans l’hexagone. Picard retire alors de ses congelos des lasagnes et du chili con carne fournis par Comigel.

4. Les politiques s’en mêlent

Le 14 février, Benoit Hamon, ministre de la Consommation, présente les résultats de l’enquête du gendarme de la conso (DGCCRF). Le ministre affirme que Spanghero “savait qu’il étiquetait potentiellement “boeuf” de la viande chevaline“. L’agrément sanitaire de l’entreprise est retiré. Parallèlement, le même jour, le ministre de l’Environnement britannique annonce que des traces d’un médicament interdit (l’imprononçable phénylbutazone) ont été retrouvées dans huit carcasses de chevaux abattus en Angleterre. Il ajoute que trois d’entre elles seraient potentiellement entrées dans la chaine alimentaire française. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, rétorque qu’elles ont été localisées dans le Pas-de-Calais. Non utilisées, elles “seront détruites”.

5. Spanghero contre attaque

Le lendemain des attaques politiques, Barthélémy Aguerre, le président de Spanghero, joue sur une corde sensible : l’emploi. Si sa société ferme, 300 jobs partent en fumée. Il ajoute qu’il “ne savait pas, en toute sincérité que la viande était du cheval” et porte plainte contre X pour tromperie, falsification et escroquerie. Le 18 février, Stéphane Le Foll rétablit partiellement l’agrément alimentaire du boucher basque.

6. Qui va manger maintenant ?

En janvier 2012, Jean Fasen, le trader hollandais, avait déjà été condamné par son pays à un an de prison avec sursis pour avoir acheté et revendu massivement de la viande de cheval sud-américaine étiquetée viande de bœuf halal. Contacté par mail par BFM, il assure que Spanghero savait qu’il vendait du cheval roumain. De son côté, Spanghero est visé par une enquête judiciaire. “Ceux qui ont fraudé devront être punis“, a martelé à l’AFP le ministre délégué à l’Agroalimentaire, Guillaume Garot. Une perquisition et des auditions ont été réalisées le 19 février chez Spanghero.

7. Absence de contrôle

Quand le filet est de plus en plus lâche, il est plus simple de passer entre ses mailles. Comme l’a rappelé le Canard enchainé de la semaine passée, les aliments transformés ne subissent pas de contrôle officiel avant leur mise en vente. Seuls les industriels répondent à une simple “obligation générale de sécurité” qu’ils réalisent eux-mêmes. Au niveau des autorités, le gendarme de la consommation (DGCCRF) a perdu en moyenne 100 agents par an, tandis qu’environ 700 vétérinaires ou techniciens en charge des contrôles sanitaires dans l’agriculture ont disparu depuis 2007.

8. Le minerai n’a rien à voir avec du charbon

Réglementé depuis 2003, le minerai ou “minerai de chair” constitue ce qui reste une fois les morceaux nobles vendus. On récupère les bouts de carcasses, on mélange avec du collagène, et l’on obtient des blocs de 10 à 25 kilos emballés sous vide ou congelés. Difficile, en bout de chaîne, de savoir ce qu’il y a exactement à l’intérieur à moins d’opérer des tests approfondis.

Constantin Sollogoub, ancien inspecteurs des abattoirs à la retraite, a fourni cette précision à Rue89 :

“Il y a 40 ans, cette matière allait à l’équarrissage pour être brûlée. Avec les progrès de la chimie additionnelle, c’est devenu possible d’en faire quelque chose.”

9. Premières conséquences

Selon Benoit Hamon, le week-end dernier, la consommation des produits surgelés a déjà baissé de 5%. Sans être très précis, Xavier Beulin, le président de la FNSEA, le principal syndicat agricole, a indiqué mardi sur France Info qui allait “probablement” se porter partie civile pour défendre les intérêts de “l’élevage français”.

10. Du cheval partout

Le 18 février, Nestlé a aussi reconnu avoir détecté des traces de viande de cheval dans des lasagnes à destination du marché de la restauration en France et au Portugal. Idem en Suisse, les supermarchés low cost Lidl et quatre autres grossistes ont indiqué qu’ils retiraient de leurs rayons au moins neuf produits.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/02/2...

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