Denis Robert répond aux attaques dont il fait l’objet de la part des “Golden corbeaux”

, par  Mathieu Dejean , popularité : 2%
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Capture d’écran de l’article signé par Denis Robert et publié sur Facebook

Le journaliste Denis Robert, connu pour avoir porté l’affaire Clearstream à la connaissance du public, a fait un retour aussi bref que fracassant sur Twitter (son compte a déjà été supprimé ce 7 juin, après un retour quelques jours plus tôt). Aidé par quelques amis, il a révélé dans un post Facebook le 28 mai l’identité d’une poignée de twittos qui tenaient des propos haineux, humiliants et parfois menaçants – sous couvert de pseudonyme – à l’encontre des grévistes, des migrants ou encore des pauvres.

Leur particularité ? Ce sont des trolls en cols blancs, trader à la City de Londres pour l’un, vice-président financier de Danone-Eaux pour l’autre, d’où le sobriquet peu affectueux que leur a donné le journaliste : les “Golden corbeaux”.

Certains ont depuis fermé leur compte, d’autres se moquent apparemment d’avoir été démasqués : ils assument. Cependant, ils sont nombreux à reprocher la “méthode” de Denis Robert, et l’un des “outés”, Ali Bodaghi, l’accuse même de s’être trompé sur l’une des identités révélées, jetant ainsi à l’opprobre un innocent – Alexandre Perrin. Il menace de le poursuivre en justice.

Alexandre Perrin n’a même pas à démontrer qu’il n’est pas SkyZeLimit ! Devant le juge c’est à Denis Robert de prouver qu’il l’est.

— Ali Bodaghi alias Ze (@zebodag) June 6, 2016

J’ai demandé à mon avocat d’entamer des procédures judiciaires à l’encontre de Denis Robert et Myriam Tonelotto (LaVoieDuChat).

— Ali Bodaghi alias Ze (@zebodag) June 6, 2016

Dans cette tempête virtuelle d’imprécations et d’invectives, Denis Robert persiste et signe. Il s’en explique.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans cette entreprise de chasse au troll ultra-libéral sur Twitter ?

Denis Robert – Ce n’était pas mon objectif au départ. Une amie réalisatrice, Myriam Tonelotto, m’a envoyé une série de captures d’écran sur lesquelles une de ses amies qui est journaliste à la RTBF se faisait harceler sur Twitter. Elle m’a signalé que je me faisais également insulter par une bande de traders ultralibéraux, et m’a invité à aller voir de moi-même. C’était édifiant : j’ai découvert des mecs arrogants, qui manient l’insulte en permanence et multiplient les blagues racistes. Très vite j’ai compris qu’un écueil était à éviter : celui de confondre la parodie et l’incitation à la haine et au racisme.

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Capture d’écran réalisée par Denis Robert

L’un des comptes que vous avez mis en cause, celui de Gordon Gekko (pseudonyme emprunté au détestable personnage joué par Michael Douglass dans Wall Street), s’est défendu en disant qu’il était “parodique”. Vous l’avez donc envisagé ?

Oui mais c’est faux. Je peux le prouver facilement. Qu’il ait eu envie de se marrer au départ en faisant un truc à la Gorafi, pourquoi pas – certains de ses tweets me font marrer s’ils sont pris isolément. Mais ils sont tous dans le même registre – islamophobe, raciste, homophobe, sexiste, etc. Quand on en voit cinquante d’affilé, ce n’est plus drôle du tout. Ce qui différencie l’humour du non-humour, et la parodie de l’acte militant, c’est d’une part l’effet de répétition, d’autre part le fait que les cibles soient toujours les mêmes, et enfin le fait qu’il ne se contente pas de faire des blagues à deux balles sur Twitter, mais qu’il interpelle aussi les comptes de certaines personnes comme Gérard Filoche ou Cécile Duflot par exemple. Il a multiplié ce type d’agressions.

Le problème c’est que ces types ont aggloméré autour d’eux une communauté, et que certains de ses membres pensent de bonne foi que cela relève de la liberté d’expression, de l’humour, etc. Mais ils ne connaissent pas forcément la photographie dans son intégralité. Aujourd’hui, je leur mets le nez dans leur caca. Sous couvert d’humour, ils se sont fait avoir par des types qui en manquent cruellement.

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Certains sur Twitter vous reprochent, suite à cette affaire, d’encourager à la censure…

Je ne suis pas du tout pour la censure. Même les nazis ont le droit de s’exprimer à mes yeux. Je fais partie des rares opposants à la loi Gayssot [qui condamne les propos négationnistes, ndlr]. Mais ce sont eux qui s’y exposent à la censure avec leurs tweets, car une fois qu’ils sont dans l’espace public, un procureur de la République ou la Licra peut les poursuivre. Ce n’est pas moi qui demande leur interdiction.

De plus, n’est-il pas paradoxal de me reprocher d’enfreindre leur liberté d’expression, tout en essayant de faire fermer mon compte Facebook ? Car c’est ce qu’ils ont fait : mon compte a été suspendu car ils avaient posté des images porno, et il l’est toujours à l’heure actuelle, car ils ont lancé une attaque en règle auprès de Facebook pour me censurer. Enfin, ils font circuler des photos de ma maison, de ma fille, et de fausses rumeurs selon lesquelles je serais alcoolique, dépravé, décérébré, corrompu, militant d’extrême gauche, payé par les Russes, je ne paierais pas mes impôts, j’en passe et des pires. C’est un torrent de boue permanent. Ça ne m’affecte pas, je suis plus fort que ça, mais je suis sidéré par leur bassesse.

Qu’est-ce qui vous a décidé à les démasquer, et pas simplement à révéler leur statut social ?

C’est comme si tu étais dans un café, qu’un mec venait te cracher à la gueule, te traiter de fils de pute, tout en ayant un masque. Tu as forcément envie qu’il enlève son masque, pour qu’il te dise les choses en face. Maintenant il faut qu’ils assument leurs propos. En particulier Gordon Gekko : si c’était vraiment de la parodie et de l’humour, pourquoi a-t-il fermé son compte ? Pourquoi a-t-il viré tous ses tweets ?

Je voudrais insister sur un point. Je suis favorable aux pseudos sur Twitter, et je comprends quand on bosse dans une boîte qu’on n’ai pas forcément envie de prendre des coups en faisant des vannes sur le réseau. Je comprends aussi que le pseudo est une des raisons d’être de Twitter. Mais j’ai aussi le droit en tant que citoyen, en tant que twitto, de me sentir agressé par des messages puissamment agressifs et bien pourris. Ces quatre-là ont été choisis parce qu’ils étaient, à nos yeux, en gros les pires dans leur genre. C’est ce qui a déclenché l’envie d’écrire ce premier post sur mon mur Facebook. J’ai touché un point visiblement très sensible vu le barnum depuis. Il semblerait, même si sur Twitter je m’en prends plein la gueule, des milliers de personnes pensent aussi que j’ai eu raison. Et je pense ne pas avoir enfreint la loi. Twitter, ce n’est pas un tribunal où un témoin témoigne sous X.

Parmi les personnes que vous avez “outées”, figure François Xavier Lacroix – alias @lacruzFX – qui a depuis fermé son compte, et qui est vice-président financier de Danon –Eaux. Depuis de nombreux internautes interpellent Danone sur Twitter pour demander ce que le groupe en pense…

Prenez la peine de le lire. Là aussi, il va nous faire le coup de l’humour ? Avec son masque de catcheur masqué, il est sans doute le plus violent contre le mouvement social. Avec une absence totale d’arguments. Rien que des injures. Y compris sur des personnes physiques comme Filoche ou Martinez et la plupart du temps en attaquant leur physique. C’est un peu facile ensuite de se sentir humilié. Quand on a vu qu’il fait partie des gens qui privatisent l’eau pour Danone et qu’il gagne sa vie comme ça, ça a été une raison supplémentaire de lui dire qu’il devait maintenant assumer. Je ne vais pas pleurer sur son sort, ni tendre l’autre joue. A un moment je réagis en être humain, en citoyen, et pas en “gauchiste” comme ils me l’ont reproché. Je pense pour l’avoir lu, que ses injures, ses agressions ne contiennent pas une once d’humour. Et c’est un fan du Gorafi et un ami de Choron et de Cavanna qui vous parle…

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Capture d’écran d’un tweet du vice-président financier de Danone-Eaux

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Capture d’écran d’un tweet du vice-président financier de Danone-Eaux

Avez-vous eu le sentiment de mettre le doigt sur une communauté particulière organisée sur internet, distincte de la fachosphère ?

Je n’en avais pas conscience au départ, mais effectivement elle existe. D’ailleurs beaucoup ont pris le surnom “Ze” sur Twitter en soutien au trader londonien @Zebodag. Ils doivent être 150, sont généralement des expatriés, des traders qui gagnent beaucoup d’argent et qui ont un réflexe de caste quand ils se sentent agressés. Ils ont aussi toujours les mêmes cibles : les pauvres et les grévistes, notamment. Je fais maintenant partie de leurs têtes de Turc. Ça devient un honneur. Ce qui me fait plaisir aussi c’est d’avoir reçu, depuis une semaine, le soutien d’autres traders qui ne pensent pas comme tous ces dégénérés du bulbe. Je ne me pose surtout pas en juge. Je suis écrivain, journaliste. Je m’intéresse à la finance. Je fais des films sur le sujet. Ces types sont pour moi des sujets d’enquête. A les lire, je comprends mieux leur cynisme et leur fonctionnement. Ils sont dans leur bulle. Ce n’est pas un problème d’impunité, je suis juste venu leur dire : ayez le courage de vos opinions. Je ne pensais pas en arriver là. Maintenant je vais avoir sûrement leurs avocats sur le dos. Mais j’ai aussi des soutiens, sans doute plus nombreux. On verra bien.

Vous avez révélé l’identité du compte de Gordon Gekko : selon vous il s’agirait d’Alexandre Perrin, un trader à la City de Londres. Mais sur Twitter, Ali Bodaghi prétend qu’Alexandre Perrin est en fait un analyste en période d’essai qui n’est pas français…

C’est une fable. Libre à eux de raconter ça, c’est malin, mais la réalité est toute autre. Comment Alex Perrin peut-il justifier qu’une demi-heure ou une heure après que j’ai écrit mon papier, il publie ce tweet : “Je viens de voir comment ils ont eu accès à mes informations privées, merde” ? S’il n’est pas Alexandre Perrin, pourquoi publie-t-il ça ? Et pourquoi efface-t-il tous ses comptes, y compris celui d’Alexandre Perrin ? Le gars qui m’intéresse, c’est celui qui a publié ces insanités. Encore une fois, si c’est une parodie ou de l’humour, pourquoi a-t-il tout effacé ?

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Capture d’écran @SkyZeLimit

Peut-être par humour ?

Pourquoi dans ce cas ferme-t-il son compte Linkedin ?

Êtes-vous contre le pseudonymat ?

Pas du tout. Parfois il peut être nécessaire d’utiliser un pseudonyme. Mais ces gens-là ne le font pas pour de bonnes raisons. Ils ont dérivé. Ils sont allés très très loin dans l’injure, l’incitation à la haine, dans le racisme. A les lire, je suis persuadé d’une chose : ils pensent ce qu’ils tweettent. C’est sans doute le plus inquiétant. Et moi je pense tout l’inverse. Alors forcément, on n’est pas amis. Quand je lis leurs délires de groupe, quand je vois la bassesse de leurs arguments me concernant, ce qu’ils inventent pour me salir, leur absence totale de culture et d’ouverture d’esprit, de tolérance, cet effet de meute, cette haine, cette saloperie, je n’ai aucun regret. Je suis même content de les perturber un peu. Mais je suis lucide aussi. Ils ont le blé. Ils ont les masques. Ils resteront dans leur confort, leur Ferrari, leurs parties de polo. Ils vieilliront ainsi, dans le luxe, la rancœur et l’anonymat. Ils n’ont pas l’air de types foncièrement heureux. Moi, ça va.

Propos recueillis par Mathieu Dejean

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2016/06/0...

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