Facebook, notre meilleur ennemi ?

, par  Carole Boinet , popularité : 1%

La question de la confiance à accorder, ou non, à Facebook est devenue au fil des années un véritable leitmotiv. Il faut dire que le réseau social n’est pas toujours très transparent, ni très fiable, et a parfois recourt à ce qui ressemble à s’y méprendre à de la censure. En témoigne le blocage des profils de militantes du monde arabe qui animaient la page “le soulèvement des femmes arabes dans le monde”, qui n’aurait été, d’après Facebook, qu’une simple erreur de modération. En témoigne aussi la pruderie du réseau social qui, à la vue du moindre bout de sein, bloque le profil de l’utilisateur qui a osé le poster (voir l’affaire du Nipplegate). Dernier exemple en date : le compte de la journaliste Caroline Fourest a été suspendu après qu’elle a posté des photos des militantes Femen dans la manifestation anti-mariage pour tous organisée le 18 novembre par l’institut Civitas. En cause : les seins nus des activistes.

La dernière levée de boucliers concernant Facebook n’est pas due cette fois-ci à une poitrine dévoilée au détour d’une page mais aux changements sur le vote des utilisateurs et les données des membres, annoncés par le réseau social, qui semble avoir envie de chambouler sa politique de vie privée envers et contre tous.

Facebook, anti-démocratique ?

Il y a trois ans, en bon meilleur ami, Facebook nous offrait le droit de voter pour donner notre avis sur les changements qu’il proposait. Si une modification recueillait 7000 commentaires, un vote était organisé. 30% de participation était requis pour qu’une mesure soit adoptée ou rejetée. Mais le réseau social en a eu marre de toute cette démocratie et a décidé de supprimer ce processus de vote. Pas tout à fait meilleur ennemi quand même, Facebook remplace le vote par un système de questions-réponses sous forme de webcast avec Erin Egan, responsable de la vie privée du site. Selon Techcrunch qui s’est entretenu avec elle, ce changement intervient parce que le réseau social a franchi le cap du milliard d’utilisateurs au mois d’octobre. Recueillir 7000 commentaires est donc devenu bien trop simple pour des internautes qui pourraient finir par faire le poids face au géant du web.

Erin Egan a également expliqué au site que Max Schrems était plus ou moins à l’origine de ce changement. Cet étudiant autrichien, qui a fondé le groupe d’activistes “Europe vs Facebook privacy” a donné du fil à retordre au réseau social. Il a notamment lancé la campagne “Our Policy” qui invitait les utilisateurs à s’opposer à une batterie de propositions que s’apprêtait à faire passer Facebook en juin dernier. Max Schrems était parvenu à recueillir suffisamment de commentaires pour qu’un vote soit organisé. Mais seulement 0,038% de l’ensemble des utilisateurs avaient voté, permettant à Facebook de faire passer ses propositions.

Dans son billet de blog, le vice-président Elliot Schrage justifie ce changement en expliquant :

“Les votes générés par un nombre défini de commentaires avaient créé un système qui faisait primer la quantité des commentaires sur leur qualité. Afin de faire en sorte que nous continuions à recevoir un feedback pertinent de votre part, nous pensons qu’il serait préférable de supprimer le vote du processus”.

Croisement des données : l’Irlande s’insurge

Facebook ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Le réseau de Mark Zuckerberg a également annoncé cette semaine qu’il souhaitait favoriser le croisement des données de ses utilisateurs avec ses filiales (dont Instagram) et les annonceurs afin d’améliorer ses publicités. Le site spécialisé dans les nouvelles technologies The Register a mis en ligne un document de Facebook dans lequel le réseau social explique son engouement pour le croisement de données :

“Un publicitaire pourra par exemple nous donner une information sur vous (comme la façon dont vous avez réagi à une publicité sur Facebook ou sur un autre site) afin que nous puissions mesurer l’efficacité et améliorer la qualité des publicités.”

En janvier dernier, Google avait annoncé son intention de fusionner les conditions d’utilisation de tous ses services (Gmail, Google+…), s’autorisant ainsi à croiser les données de ses utilisateurs et à constituer une grosse base d’informations sur ces mêmes utilisateurs. Ce qui avait immédiatement fait bondir la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), qui a mené son enquête pendant plusieurs mois. Ses conclusions, rendues début octobre, ne vont pas dans le sens de Google, qui, estime-t-elle, constitue un fichier trop vaste de données. La Cnil a donc effectué une série de recommandations à l’entreprise américaine, en précisant que si elle ne coopérait pas, des sanctions seraient prises à son encontre à l’échelle européenne.

Facebook pourrait bien se retrouver dans la même situation. L’autorité de la protection de la vie privée irlandaise (l’équivalent de notre Cnil), qui a déjà plusieurs fois attaqué l’entreprise de Palo Alto, lui a demandé de clarifier ses changements et envisage de la contraindre à obtenir le consentement des utilisateurs européens avant de les faire appliquer.

 Facebook VS les pays nordiques 

En parallèle, plusieurs associations de défense des consommateurs de pays du nord de l’Europe sont montées au créneau cette semaine contre le réseau social. Ce ne sont ni des seins censurés, ni une atteinte à la démocratie, ni un croisement de données qui sont en cause cette fois-ci, mais les “statuts sponsorisés” mis en place cette année par Facebook pour aider les entreprises à mieux promouvoir leur activité (en gros, à faire de la pub). Pour le moment, ces statuts s’affichent par défaut dans nos flux d’actualité. Les associations de consommateurs demandent donc à ce qu’ils soient par défaut désactivés, et qu’ils puissent éventuellement être activés par l’utilisateur.

La médiatrice chargée de la défense des consommateurs de Norvège a, elle, demandé à la Commission européenne de vérifier la conformité de ces “statuts sponsorisés” avec la directive “vie privée et communication électronique” de l’Union Européenne. ”Il existe une interdiction d’envoyer des publicités électroniques à des consommateurs qui n’ont pas donné leur accord, que ce soit par courriel ou par SMS. Nous estimons qu’une partie de la publicité que Facebook appelle “statuts sponsorisés” commence à s’apparenter à des messages électroniques non-sollicités“, a-t-elle déclaré à l’AFP.

La semaine dernière, Facebook annonçait le lancement de “pages couples” sur lesquelles seraient regroupés les contenus communs à deux personnes déclarées en couple sur le réseau social. Une nouveauté qui a là aussi laissé les utilisateurs pantois, et qui pourrait débarquer en France dans les prochains mois. Facebook, notre meilleur ennemi ? Il semblerait que oui.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2012/11/2...

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