Le CNC à nouveau au cœur de la polémique

, par  Romain Blondeau , popularité : 1%

« Une critique en règle du fonctionnement du CNC  », « une cagnotte bien trop élevée au regard des besoins réels », une « insolente croissance des ressources »…A lire le compte rendu de l’audition menée ce mardi par le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini (UMP), le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), serait devenu le point noir de l’économie française, un îlot de croissance intolérable dans une période de crise et de restrictions budgétaires tous azimuts. Pour justifier son coup de sang, le sénateur a brandi un rapport de la Cour des comptes, qui ferait état de plusieurs dysfonctionnements notables dans les finances du CNC. Trop de films produits, une trésorerie injustifiable, un écart trop important entre les recettes et les dépenses…c’est l’ensemble de l’organisation de l’établissement public dédié au cinéma qu’il faudrait a priori réformer.

Le discours n’est pas neuf, il est même devenu l’un des refrains préférés de certains parlementaires depuis 2007 et la création d’une taxe supplémentaire sur la distribution des services de télévision, qui a permis une augmentation sensible des recettes du CNC. Mais il semblerait cette-fois ci que la nouvelle croisade menée contre le principal trésorier du cinéma français soit quelque peu abusive.

« On voit bien que certains tentent d’instrumentaliser le rapport de la Cour des comptes qui, en réalité, est loin d’être aussi négatif, nous explique le président du CNC, Eric Garandeau, un peu « lassé » par ces fréquentes campagnes de déstabilisation. Les conclusions du rapport pointent certes quelques difficultés de gestion, rien que de très normal, mais elles nous confortent aussi dans notre action, et insistent sur les vraies réussites de notre modèle économique ».

Il faut alors observer un peu plus attentivement le nom du commanditaire du rapport, Philippe Marini, qui n’en est pas à son premier coup d’essai. Le président de la commission des finances du Sénat s’était déjà signalé en 2010 en faisant voter un amendement qui permettait à l’État de prélever exceptionnellement 20 millions d’euros sur les recettes de l’établissement public consacré au cinéma. L’année suivante il commanditait un premier rapport à la Cour des comptes et appelait déjà à une refonte globale de l’institution culturelle. En 2012, l’opposant avéré au CNC revient donc à la charge, quitte à faire quelques petits arrangements avec la réalité : entre ses conclusions présentées mardi et celles de ce nouveau rapport tel qu’il a été publié, on relève un grand nombre de contradictions.

Une longue liste d’irrégularités

Au cœur de son argumentaire, Philippe Marini reprend à son compte l’idée en vogue (cf la sortie  remarquée de Joann Sfar) selon laquelle on produirait trop de films depuis quelques années, et que cette augmentation* ne jouerait pas en faveur de la part de marché des films français au box-office. Seuls les 10 plus grands succès participeraient à la réussite du cinéma français défend-il en exemple, quand tant d’autres « petits films » sortiraient dans la confidentialité la plus totale.

La Cour des comptes n’est pourtant pas si alarmiste, et note qu’« au cours de la décennie, l’augmentation du nombre de films agréés n’a pas nui à la fréquentation générale des films français. Au contraire, la part de marché des films français dans la fréquentation en salles s’est maintenue à un niveau élevé ».

Autre interrogation de Philippe Marini : à quoi servent les 800 millions d’euros de trésorerie dont bénéficie le CNC ? Comment justifier ces ressources en sommeil lorsque ce sont toutes les finances publiques qui sont exsangues ? « Nous fonctionnons sur le principe de l’épargne forcée, explique Eric Garandeau. Ces ressources, rapportées grâce à différentes taxes, seront plus tard réinjectées dans l’aide à la production ou le soutien à la distribution. C’est notre règle d’or qui a toujours fonctionné ainsi ». Et là encore, le rapport de la Cour des comptes est sans appel, précisant que « la clarification des états financiers et budgétaires du CNC, qui a rendu nécessaire la constitution de provisions à un niveau élevé, justifie l’importance de la trésorerie dont dispose l’établissement depuis 2008 ». Aussi, Eric Garandeau conteste cette idée, largement répandue, selon laquelle le CNC aurait vu ses recettes exploser sans contrôle ces dernières années : « Notre budget a augmenté de 60% entre 2000 et 2011, alors qu’entre 1988 et 2000, il progressait de 114%. Mais à l’époque personne ne se plaignait ».

Ce serait également la gestion interne de l’organisme public qui poserait problème au sénateur Philippe Marini. « Les frais de gestion ont fait un bond de 43% entre 2007 et 2011 à 60,9 millions d’euros, un niveau élevé par rapport aux besoins. Et la masse salariale a progressé de 12% en 5 ans » relève ainsi le quotidien La Tribune dans un paragraphe intitulé « Une gestion critiquée ». Auquel on opposera encore une fois le verbatim plutôt définitif du rapport de la Cour des comptes, qui affirme que « le suivi des dépenses de fonctionnement interne du CNC s’est considérablement amélioré depuis la mise en œuvre par l’établissement de la réforme budgétaire et comptable de 2007 ».

Un effort de guerre

Comment, dès-lors, expliquer cette nouvelle campagne menée contre le CNC, dont le rapport de la Cour des comptes valide pourtant le fonctionnement ? « Il y a une logique d’économie générale, qui est compréhensible et justifiable. Mais le CNC est une mauvaise cible, car il est garant d’un écosystème qui donne d’excellents résultats (340 000 emplois, 1% du PIB), et dont le modèle est reproduit partout dans le monde, explique Eric Garandeau, avant de préciser que son établissement a déjà participé à l’effort national en période de crise. Fin septembre, le quotidien Les Echos révélait ainsi que le gouvernement Ayrault comptait exceptionnellement prélever 150 millions d’euros dans la trésorerie du CNC pour son projet de loi de finances 2013. Une ponction qui « affectera obligatoirement nos activités, surtout pour notre plan d’inventaire et de numérisation des films », relève Eric Garandeau, ajoutant néanmoins que ces économies « ne remettront pas en cause l’aide à la production cinématographique et à la distribution cette année ».



*de 204 films produits en 2001 à 272 en 2011.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2012/10/0...

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