“Leak”, l’application qui surfe sur la tendance de l’anonymat

, par  Marie Turcan , popularité : 2%
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(Capture d’écran de la série de Channel 4, "Utopia", S02E05)

Finies, les lettres anonymes collantes constituées de lettres découpées dans différents journaux. Terminées, les cartes postales parfumées, signées uniquement d’un cœur gribouillé à la fin d’un poème qui rime presque. Dorénavant, les messages anonymes s’envoient en ligne, et de préférence via une jolie application à la mode.

C’est le créneau dans lequel se sont engouffrés deux Français, Laurent Desserrey et Sébastien Thiriet. Ils ont créé Leak (“fuite” en anglais), une plateforme qui permet d’envoyer des emails de manière anonyme. A l’autre bout de l’Internet, celui ou celle qui reçoit le message peut seulement en voir le contenu, et le nom d’un expéditeur mystère dont “collègue”, “membre de la famille”, “ami(e)”, “ami(e) d’ami(e)” ou “quelqu’un”,comme on peut encore le voir en cache.

Lancé le 28 juillet dernier, le site internet a tenu 11 jours (à raison de 60 000 emails par semaine, selon l’entreprise) avant de se crasher jeudi dernier. Il affiche aujourd’hui un message expliquant que “victime de son succès, Leak est forcé par une tierce partie de suspendre son activité.”

Certains messages sont plutôt agréables. D’autres, moins.

La raison se trouve du côté de Mandrill, une interface de programmation qui permet d’envoyer lesdits emails. “Nous n’avions pas le temps de construire notre propre serveur mail, car cela prend du temps et c’est très cher“, écrit Sébastien Thiriet dans un communiqué, alors que les deux partenaires se vantent d’avoir construit Leak en 48 heures.

Mandrill suspend ainsi le compte de Leak, car les emails sont envoyés à des adresses qui n’ont pas accepté au préalable de recevoir de mails qui proviennent de la plateforme Leak (“ce qui est pourtant tout l’intérêt”, insiste Sébastien Thiriet dans son communiqué). Même refus de la part de SendGrid, qui a également suspendu le compte de Leak quelques jours plus tard. La solution est inévitable, les deux Français sont obligés de créer leur propre serveur d’envoi d’email. Un travail long et cher, qui repousse le retour en ligne de la plateforme Leak d’encore “quelques semaines“, nous confie Laurent Desserrey, le co-fondateur.

Pour l’instant, Leak est censé être utilisé pour envoyer des “crush secrets, private jokes, confidences et révélations“, selon le cofondateur du site. Pour faire parler d’elle, l’entreprise a même sélectionné certains messages, installés en home du site, pour expliquer de manière plus directe comment marche Leak. “J’aimerais te demander de sortir avec moi mais j’ai peur que tu te moques de moi“, “tu es le manager le plus sexy que j’ai jamais eu“. Certains messages sont plutôt agréables. D’autres, moins. “Je traine avec toi juste parce que tu connais beaucoup de gens. C’est tout.

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(Capture d’écran des messages sélectionnés par Leak)

Laurent Desserrey est formel, les mails anonymes qui contiennent des insultes seront bloqués, mais pas ce genre “d’aveux”.

“Nous ne souhaitons pas bloquer tous les leaks. Parfois la vérité est difficile à entendre, même lorsque ça vient d’un ami dans la vraie vie. Le but est de rejeter uniquement les leaks agressifs, trop tendancieux. Leak est un moyen de communication, un outil. Il n’y a pas de censure, uniquement le respect de la personne et de la loi”, nous explique-t-il dans un échange par email.

Le mythe de l’anonymat enterré

Il y a longtemps, il y avait Postscret. Le site a été créé en 2004 par Frank Warren, qui y poste chaque semaine une douzaine de cartes postales anonymes scannées, reçues hebdomadairement par la poste, sur lesquelles des fidèles du monde entier écrivent leurs secrets les plus intimes. Puis sont arrivées Ask.fm, Whisper et Secret, des applications qui permettent aux utilisateurs d’envoyer des “secrets” ou des messages anonymes, soit à des inconnus, soient à leurs cercles d’amis.

Cette tendance à “l’anonymat” n’est certainement pas prête de s’affaiblir. Toutefois, on prend aujourd’hui plus de pincettes pour en parler. Surtout depuis que le gendarme américain de la concurrence (FTC) a épinglé Snapchat, censé permettre de prendre des photos éphémères qui s’effacent après 10 secondes. La FTC (Federal Trade Commission) a révélé que n’importe quel hacker motivé pouvait en fait récupérer lesdites photos.

Les applications qui promettent de garantir votre confidentialité ont l’air de pouvoir vous protéger. Mais souvenez-vous : si elles ont du succès, les gens vont essayer de les pirater“, analyse le journaliste freelance Stuart Dredge sur le Guardian. Un risque contre lequel Laurent Desserrey assure s’être protégé : “c’est évident pour nous. La sécurité est un des piliers de Leak.

Toutefois, dans la partie “foire aux questionssur laquelle le site NextInpact s’était attardéquand JustLeak.it était encore en ligne, la réponse à la question “Leak est-il traçable ?” est ambiguë : “En quelque sorte. Rien sur Internet n’est vraiment anonyme. Si vous faites quelque chose que vous ne deviez pas faire, il y a probablement des moyens de vous trouver.” A vos risques et périls.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2014/08/1...

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