« Les Revenants » : Canal + à la conquête du monde ?

, par  Théo Ribeton , popularité : 2%

Productrice de séries maison depuis 2005, la chaîne cryptée concrétise de plus en plus son ambition de s’affirmer comme un acteur de premier plan sur le marché mondial. Elle n’y a pourtant mis le pied qu’il y a huit ans, « un peu tard » pour le directeur de TV France International Mathieu Béjot.

Engrenages, sa toute première “création originale”, reste encore aujourd’hui à la fois le premier pas et le plus grand succès de cette internationalisation, en se vendant dans près de soixante-dix pays sous le titre Spiral. Premier achat britannique d’un programme français depuis Belle et Sébastien en 1967, la série judiciaire, malgré la barrière de la langue, poursuit une belle ascension, avec un rachat par Netflix en 2012. Le marché nord-américain reste un carrefour symbolique incontournable pour la circulation des séries : il enregistre en 2012 une accélération de 39 % sur les ventes de programmes français, tandis que les clients historiques de la production pour le petit écran que sont l’Italie et l’Espagne présentent un recul assez logique compte tenu de leur situation économique.

Placements de niche dans des catalogues de streaming tels que Netflix (Engrenages, Borgia) et Hulu (Braquo), reconnaissance d’estime dans la presse, diffusions de flux occasionnelles : Canal+ a certes le vent en poupe mais navigue encore bien loin des modèles américains auxquels elle se frotte. Avec 1,3 million de téléspectateurs en moyenne, le record d’audience de la chaîne sur ses créations originales, Borgia a certes tenu les promesses de l’énorme investissement de Canal sur le marché national ; en revanche, malgré un tournage en anglais et une force de frappe gonflée à bloc, le show mené par Tom Fontana (Oz) vit encore dans l’ombre du programme BBC du même nom. Il peut toutefois se vanter d’une diffusion sur la chaîne américaine Showtime.

Avec Les Revenants, Canal+ relance le pari de s’imposer à échelle mondiale et pourrait y parvenir, malgré une équation risquée. Bien que tournée en langue française, la série de Fabrice Gobert a déjà séduit de nombreux acheteurs étrangers et laisse pressentir une success story dans la lignée d’Engrenages, même s’il faudra attendre l’automne 2014 pour en voir une deuxième saison (un timing compliqué pour fidéliser le public). Les chaînes ayant répondu présent sont canadienne, australienne, britannique, turque, islandaise et surtout américaine, avec Sundance Channel.

Fraîchement implantée sur le marché de la série, cette filiale d’AMC a fait son premier pas dans la fiction télévisuelle avec la diffusion de Carlos, une mini-série coproduite par, tiens donc, Canal+. Elle a également produit cette année les succès déjà acclamés que sont Top of the Lake et Rectify. La présidente de la chaîne, Sarah Barnett, affiche un enthousiasme certain : “Les Revenants est une série intelligente, aussi troublante que séduisante. Nous sommes sûrs que notre public averti va adorer la façon unique avec laquelle The Returned (titre internationa – ndlr) fait émerger le surnaturel d’une histoire profondément humaine et vibrante.”

Parfois comparée au Twin Peaks de David Lynch pour son atmosphère fantastique et orageuse, la série de Fabrice Gobert fera dans le même temps l’objet d’un remake. Le nom du showrunner de Lost, Carlton Cuse, est sur toutes les lèvres pour conduire cette nouvelle version qui sera diffusée sur le network A&E, filiale de Disney qui fait elle aussi une entrée remarquée sur le marché de la série avec Bates Motel, un prequel de Psychose. Aucune nouvelle n’a encore filtré sur le casting, mais la série prête volontiers le flanc à l’imaginaire américain déjà très présent dans la version française : outback majestueux, shérifs, extrémistes religieux, etc.

Ce projet de remake, une première pour Canal+, trace surtout les limites de la bonne fortune des créations originales de la chaîne : on peut facilement pressentir qu’une version anglophone, qui plus est menée par une équipe d’auteurs de haute volée (on a souvent mis le flop des productions françaises sur le compte du peu de considération alloué aux scénaristes), sera armée pour s’imposer largement auprès du public. Dans ce cas, la version originale n’aurait qu’à se contenter, à l’instar des Borgia, de sa case indie. C’est l’équation que Canal n’a pas encore résolue : le succès d’estime et la reconnaissance symbolique sont là, mais le hit d’envergure mondiale peut probablement encore se faire attendre.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/10/0...

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