Les delphinariums vont-ils (enfin) être interdits ?

, par  Théo Ribeton , popularité : 2%
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Le delphinarium de Duisburg (Allemagne) en 2007. Photo Reuters

Le 12 juillet dernier, et à nouveau ce 15 août, ils étaient près de 500 militants devant l’entrée du parc Marineland à Antibes : opposants locaux, noyaux durs de ces rassemblements organisés à intervalles réguliers depuis un an, mais aussi des vedettes comme Ric O’Barry, l’ancien dresseur de Flipper, et des militants venus de plus loin, regroupés sous une ribambelle de bannières associatives. En cause : l’exploitation de cétacés (orques et dauphins) dans ces cirques aquatiques qui ont connu un boom dans les années 1970 et 1980 et vivent aujourd’hui un violent retour de bâton.

Un orque responsable de trois décès

Christine Grandjean, présidente de l’association C’est assez, règle la question de la maltraitance en un constat simple : “la captivité est une maltraitance en soi. Ces animaux nomades parcourent 160 km par jour à l’état sauvage”. Elle dénonce une multitude de souffrances physiques , dues au chlore, au soleil, au maintien d’une sous-alimentation à des fins de divertissement, mais surtout de graves problèmes psychologiques liés au confinement et au peu de cas fait par les delphinariums à la complexité des interactions sociales chez ces animaux extrêmement intelligents. Une négligence à l’origine de dépressions et de comportements violents comme ceux de l’orque Tillikum , responsable de trois décès durant sa “carrière” chez le géant SeaWorld.

Abritant cinq orques et une douzaine de dauphins, le Marineland est le plus important delphinarium français. Ces établissements, au nombre de quatre en France, sont plus que jamais sous le feu des critiques. La députée Laurence Abeille (EELV), très active sur les questions de condition animale, a déposé en mars dernier un amendement visant à les interdire , dans le cadre des débats sur la loi biodiversité. Si l’amendement a été refusé, le gouvernement s’est néanmoins engagé à geler toute nouvelle ouverture jusqu’à un débat en seconde lecture au sein duquel il “entend faire des propositions”. Selon la députée, jointe par téléphone, la réflexion en cours devrait aboutir a minima à une révision des normes suffisant à faire fermer les installations les plus confinées, comme celle du Parc Astérix.

Blackfish de Gabriela Cowporthwaite est le film qui a renversé la vapeur. Présenté en 2013 à Sundance, ce documentaire sur les coulisses de SeaWorld a peu à peu pris des airs de tsunami, quelques remarquables audiences télé (21 millions d’Américains sur CNN) ayant fait le lit d’une diffusion virale aujourd’hui incontrôlable. “Un film a-t-il déjà causé autant de dommage à une entreprise ?” , s’interrogeait l’an dernier CBS. Peut-être pas : les profits ont dégringolé de 84% entre les seconds trimestres 2014 et 2015. Aux abords du SeaWorld Orlando, les protestations se suivent et tous les coups sont permis dans ce qui est désormais devenu une véritable guerre d’image, avec espions à la PETA et faux militants déguisés en activistes communistes .

“Les parcs doivent mettre la main à la poche”

En France, l’équipe du Marineland d’Antibes “distribue désormais continuellement des flyers pour contrer la contestation, ce qui est plutôt bon signe”, se félicite Christine Grandjean. La question de la reconversion des parcs et de l’avenir de leurs animaux reste en suspens. Pierre Robert de la Tour, apnéiste et président d’Orques sans frontières, milite pour des programmes de réhabilitation à la vie sauvage. L’expérience a déjà été mise en place avec Keiko, l’orque de Sauvez Willy. “Le Marineland s’attache à faire de cette tentative un échec, or Keiko a vécu 3 ans après son retour à la vie sauvage, il est passé d’Islande en Norvège tout seul, il a chassé tout seul, il a été en contact avec des orques libres”.

“La loi biodiversité va certainement nous contraindre, et au fond c’est une bonne chose”

Mais qui peut payer de tels programmes ? “Sea Shepherd, par exemple, est intéressé pour s’impliquer. Mais les parcs doivent mettre la main à la poche”, somme Pierre Robert de la Tour. Les militants misent sur un puissant coup d’autorité de la part du législateur, jetant leurs regards vers des pays comme le Chili, le Costa Rica, l’Inde ou encore le Royaume-Uni, où les normes sur les dimensions des bassins ont amené tous les delphinariums à fermer leurs portes. Ils demandent aussi un plus grand contrôle des captures en eaux sauvages qui, malgré des conventions internationales strictes, peuvent atterrir dans les parcs français via des réseaux de “blanchiment de dauphins”. Jon Kershaw, le directeur animalier du Marineland, nie en bloc : “il y a une traçabilité parfaite, autant pour les animaux que pour les échantillons de sperme”.

Kershaw balaye d’un revers de la main toutes les accusations faites au secteur des delphinariums, qui “désignent des pratiques d’un autre temps, n’ayant plus cours aujourd’hui”. Mais l’homme concède quand même que “le secteur doit évoluer. La loi biodiversité va certainement nous contraindre, et au fond c’est une bonne chose”. Reste à savoir quand aura lieu la seconde lecture de cette loi qui s’est déjà longuement fait attendre.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2015/08/2...

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