Mort de Michel Galabru, une grande gueule du cinéma nous quitte

, par  Serge Kaganski , popularité : 2%
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Michel Galabru dans La jeune fille et les loups (c) Warner Bros. France

Il était présent depuis tellement longtemps dans notre paysage qu’on le croyait increvable. Mais Michel Galabru est décédé, à l’âge vénérable de 93 ans, laissant un corpus cinématographique et théâtral pléthorique où alternent classiques et nanars. Galabru, c’était d’abord une trogne, traits épais, pif imposant, et une voix, tonitruante, épicée de fragrances méridionales. Un acteur pourrait-on dire “à l’ancienne”, une présence puissante, hénaurme, une carrure de monstre sacré à la Harry Baur, Raimu, Gabin, même s’il n’a pas connu exactement la carrière de ceux-là. Il pouvait tout jouer, de la comédie au drame, des classiques du théâtre aux navets les plus improbables.

Collègue à képi de Louis de Funès

Quand on pense à Galabru, on se remémore avant tout l’adjudant Gerber, collègue à képi de Louis de Funès dans la célèbre série des Gendarmes, classique de la comédie à la papa des années 60 où les comédiens poussaient à fond leurs penchants “histrioniques”. Dans des premiers, seconds ou énièmes rôles, Galabru aura gratifié de sa présence rocailleuse moultes pantalonnades du grand écran, de La Guerre des boutons de grand-papa Yves Robert à divers Mocky pour lesquels sa gueule semblait taillée sur (dé)mesures (Un Linceul n’a pas de poches, L’Ibis rouge…), en passant par des incunables aux titres aussi invraisemblables qu’évocateurs (La Dernière bourrée à Paris, Le Führer en folie, Y a un os dans la moulinette ou autres Arrête de ramer, t’attaques la falaise…). Sa dernière apparition comique mémorable sera vue par 18 millions de spectateurs puisqu’il s’agit de la fameuse scène de Bienvenue chez les Ch’tis où Galabru dépeint à Kad Merad un Nord qui n’aurait rien à envier à la Corée du même point cardinal.

Un tragédien en sommeil

Il serait pourtant injuste de cantonner Galabru à ses seules comédies, farces et autres rôles alimentaires plus ou moins frelatées. Comme on sait, en tout comédien existe un tragédien et cet acteur qui a débuté aux temps de Marcel Pagnol et Jean Devaivre a connu ses heures sérieuses, voire inquiétantes, emblématisée par son rôle dans Le Juge et l’assassin de Bertrand Tavernier pour lequel il obtiendra le César en 77. Dans cette veine plus gravce, on pourrait encore citer Une Semaine de vacances (Tavernier encore), Le Choix des armes (Alain Corneau), ou encore L’Eté meutrier, blockbuster français de Jean Becker. Signalons aussi sa présence au générique de Poison violent de Katell Quilévéré, preuve qu’il pouvait séduire de jeunes auteures.

Des nanars qui ont nui à son image

Ce qu’il aura manqué à Galabru, c’est un plus grand nombre de premiers rôles dans des films indiscutables et marquants, raison pour laquelle il n’atteint pas complètement l’aura de ses glorieux prédécesseurs en gouaille et truculence bigger than life. Peut-être aussi a-t-il enquillé trop de nanars, ce qui a fini par nuire un peu à son image.

C’est au théâtre qu’il a trouvé la régularité dans l’excellence qu’il n’a pas connue au cinéma, jouant tous les classiques des planches à la Comédie française puis en dehors, de Shakespeare à Goldoni, de Musset à Molière (pour lequel il semble également avoir été taillé), de Feydeau à Dubillard, d’Anouilh à Savary… Galabru faisait partie de ces acteurs qui font leur métier, jouer, quoiqu’il arrive, quelle que soit la météo ou la qualité du matériau, et sa grandeur est d’avoir été bon dans les bons comme dans les mauvais films.

Serge Kaganski

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2016/01/0...

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