Pourquoi la saison 2 de “True Detective” est un naufrage

, par  Olivier Joyard , popularité : 2%
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Colin Farrell (c)HBO

Regarde les hommes tomber. Depuis sa première saison, True Detective a raconté cette même histoire, avec plus ou moins de variations. Explorer la masculinité blessée, détailler ses effets sur les femmes s’il reste du temps, voilà qui a servi d’idée fixe. Une direction que le dernier épisode de la deuxième livraison, diffusé le 9 août sur HBO, a confirmée dans les grandes largeurs. Sauf qu’en plus d’événements scénaristiques concrets que les dieux du spoiler nous empêchent de dévoiler ici, c’est aussi à la chute de la série elle-même que nous avons assisté.

“Cette série est juste bordélique”

Rarement dans l’histoire contemporaine de la télévision une création aussi adulée lors de son arrivée – au début 2014, tout le monde ou presque écarquillait les yeux devant les tirades de Matthew McConaughey – a connu un tel retour de bâton. Il existe bien sûr un effet connu, que les Américains nomment “sophomore slump” (le “gadin de deuxième année”, pour faire court) qui exprime la difficulté à revenir après l’effet de surprisedes débuts. Mais dans ces proportions…

Le créateur de True Detective, Nic Pizzolatto, vient probablement de connaître le pire passage de sa jeune carrière, les articles de presse assassins croisant les tweets méprisants et les audiences finalement en baisse, après des débuts encourageants. Le critique américain Matt Zoller Seitz, du site Vulture , a envoyé la sentence la plus cruelle en faisant allusion aux nombreuses références à David Lynch qui ont parsemé les épisodes : “David Lynch met en pratique la logique du rêve. Cette série est juste bordélique.”

Performance ratée et confuse de bout en bout

Bordélique, le mot n’est pas trop fort. Prétentieuse également, beaucoup plus qu’avant. La saison inaugurale avait conservé un fort pouvoir de fascination, celle-ci s’est perdue dans des intrigues inutilement complexes (une histoire de corruption et de crimes impliquant des notables dans une petite ville de Californie) qui ont surtout mis en avant la pauvreté des quatre personnages principaux, trois flics et un voyou englués dans des traumas présentés si vite comme insurmontables que tout semblait joué d’avance.

Comment entrer dans des scènes qui semblent ne promettre aucune surprise  ? Comment aimer une série quand elle repose à ce point sur des monolithes  ? Assez logiquement, les acteurs, laissés seuls avec un texte lourd et bourré de références usagées (Cary Fukunaga, le réalisateur de la première saison, a fait ses valises), n’ont pas eu d’espace pour briller. Taylor Kitsch et Colin Farrell, voire Rachel McAdams par moments, ont tenté de sauver ce qui pouvait l’être. Mais la performance de Vince Vaughn, ratée et confuse de bout en bout, faisait parfois mal à regarder. D’où l’impression, inédite devant une série aussi ambitieuse, de contempler un édifice tombant en pièces.

Trop peu et trop tard

Parmi les débris ont surnagé quelques belles pépites, l’épisode quatre, notamment, certaines parties des sixième et septième, quand une atmosphère de conte tragique et vaporeux pouvait nous saisir, avant de retomber aussi vite qu’elle était apparue, noyée dans les effluves d’une fiction sans structure solide. De ce point de vue, la catastrophe a été atteinte avec le dernier épisode, celui qui aurait pu sauver les meubles et a fait définitivement basculer le jugement du mauvais côté – mises à part les belles dernières minutes, mais c’était trop peu, trop tard.

Nic Pizzolatto s’en remettra-t-il  ? Dans le futur, saura-t-il mieux s’entourer et faire fructifier ses visions devenues banales  ? True Detective connaîtra-t-elle même une saison 3  ? Comme le proclame une chanson utilisée dans l’épisode 8, “il n’y a pas de futur, pas de passé, et dansle présent, rien ne dure…”

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2015/08/1...

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