Qu’est-ce que Telegram, l’appli préférée des djihadistes ?

, par  Carole Boinet , popularité : 3%
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Capture d’écran des "Soldats d’Allah"

L’enquête Les Soldats d’Allah, diffusée lundi 2 mai dans l’émission Spécial Investigation, sur Canal+, raconte l’infiltration d’un journaliste dans un groupe d’une dizaine d’hommes se revendiquant de Daech en France. Durant six mois, Saïd Ramzy (un nom d’emprunt) se fait passer pour l’un d’eux, et les filme en caméra cachée, principalement du côté de Châteauroux (Indre).

Si le film s’intéresse à la psychologie de ces djihadistes – dont le leader se dit prêt à mourir en martyr en perpétrant un attentat sur le sol français- il s’attarde également longuement sur les modes de communication utilisés.

Saïd Ramzy entre en contact avec eux en se créant un faux profil Facebook. Mais les djihadistes qui l’ajoutent sur le réseau social préfèrent poursuivre la conversation sur Telegram, une application de messagerie instantanée disponible sur téléphone.“Telegram est le principal outil de propagande des sympathisants de Daech. Et il est utilisé par les recruteurs de terroristes, des types par nature très ouverts” confirme à Télérama Marc Armone (un pseudonyme), le journaliste qui a épaulé son confrère infiltré, à distance.

Le succès de Telegram auprès des djihadistes s’explique principalement par l’extrême confidentialité que garantit l’application. Les messages sont chiffrés et peuvent s’autodétruire. L’entreprise est si certaine de la sécurité de ses communications qu’elle offre 200 000 dollars à celui qui piratera et révélera des échanges. 100 000 dollars auraient été offerts à un développeur pour avoir dévoilé une faille, rapportait The Verge en 2014.

L’appli permet également d’envoyer des fichiers vocaux, des documents, et de créer des conversations de groupe allant jusqu’à 200 personnes. De véritables forums via lesquels les djihadistes peuvent diffuser leur propagande, s’organiser et mettre sur pied une attaque.

“Le droit à la confidentialité est plus important que notre peur que quelque chose de mal comme le terrorisme se produise

Derrière ce concurrent de WhatsApp se cache deux frères russes, Pavel et Nicolaï Dourov, Après avoir créé VKontakte, le Facebook russe, les Dourov ont mis sur pied Telegram depuis les Etats-Unis, et ont basé son siège à Berlin, à l’aide de leur fortune personnelle. Mais l’esprit des Dourov est loin de celui d’un Zuckerberg. A la tête de l’entreprise, Pavel est férocement attaché à la pensée libertarienne.

Interrogé en 2015 sur ce qu’il pensait du fait que des djihadistes utilisent sa plateforme pour communiquer, il répondait : “Le droit à la confidentialité est plus important que notre peur que quelque chose de mal comme le terrorisme se produise.” Et assurait que les djihadistes trouveraient toujours un outil leur permettant d’échanger sur le Web. Conclusion : “Je ne pense pas que nous devions nous sentir coupables”. Sauf qu’au lendemain des attentats du 13 novembre, Dourov postait sur Instagram une photo de lui devant la Tour Eiffel, accompagnée d’un texte aux relents xénophobes :

I join all those who mourn deaths in the most beautiful city of the world. I think the French government is as responsible as ISIS for this, because it is their policies and carelessness which eventually led to the tragedy. They take money away from hardworking people of France with outrageously high taxes and spend them on waging useless wars in the Middle East and on creating parasitic social paradise for North African immigrants. It is a disgrace to see Paris in the hands of shortsighted socialists who ruin this beautiful place. I hope they and their policies go away forever and this city will once again shine in its full glory – safe, rich and beautiful. Vive la France !

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Une photo publiée par Pavel Durov (@durov) le 17 Nov. 2015 à 11h42 PST

“Je me joins à tous ceux qui pleurent les morts dans l’une des plus belles villes du monde. Je pense que le gouvernement français est autant responsable que l’Etat islamique, car sa politique et sa négligence ont mené à cette tragédie. Ils prennent l’argent des Français qui travaillent dur avec des impôts scandaleusement élevés pour le dépenser dans des guerres inutiles au Moyen-Orient et en créant un paradis social de parasites pour les immigrés d’Afrique du Nord. C’est une honte de voir Paris aux mains de socialistes à courte vue qui détruisent cet endroit magnifique. J’espère qu’eux et leurs politiques s’en iront à jamais et que cette ville brillera de nouveau dans toute sa gloire – sûre, riche et belle. Vive la France !”

Dourov a au moins le mérite d’être cohérent. L’idée sous-tendant son appli n’a rien de capitaliste : Telegram est gratuit, et sans pub. L’objectif n’est donc pas de générer des revenus mais d’offrir “un messager au peuple“, comme l’affirme l’entreprise dans la section “FAQ”. Et si Telegram arrive un jour à sec, un appel aux dons sera lancé aux utilisateurs.

Google Translate au centre de cybercriminalité

Comment lutter contre ce service de messagerie ultrasécurisé mais mainstream dont le créateur refuse de coopérer avec les autorités ? Pour le savoir, Saïd Ramzi et Marc Armone se sont rendus au centre de cybercriminalité ayant été créé au sein de la gendarmerie pour lutter contre le recrutement des djihadistes sur Internet. Surprise : personne n’y parle arabe, et les équipes se rabattent sur Google Translate.

Deuxième surprise : alors que la couverture est nécessaire pour infiltrer la sphère djihadiste, la loi française n’autorise pas les gendarmes à y recourir lorsqu’il ne s’agit, comme sur les réseaux, “que” d’apologie du terrorisme.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2016/05/0...

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