Quand des écrivains traduisent en mots ce qu’un vin leur inspire

, par  Jean-Marie Durand , popularité : 2%
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Capture d’écran du site Les Vins cultivés

Un vin bu, c’est aussi un vin lu. Comme si boire et lire s’entremêlaient dans une seule et même expérience, indexée à l’idée que l’on se fait d’un vin intense : c’est-à-dire plus qu’un breuvage, un bréviaire. Inconsciemment ou pas, ses adeptes savent qu’un vin est par essence cultivé par-delà le geste même des vignerons : il est cultivé par les mots qui lui sont consacrés comme une adresse personnelle, par les sensations du verbe qui répondent à celles du goût. C’est à partir de cette conviction et de ce credo puissant que Claude et David Veyrac lancent ces jours-ci“les vins cultivés” . Une manière de cultiver un lien entre un père et son fils. Mais surtout une magnifique idée et expérience renouvelée de la dégustation. Comme la réconciliation de la littérature et du vin, actée sur la bouteille elle-même, réceptacle des mots qui traduisent ses parfums, la couleur de sa robe, sa brillance, ses arômes, sa rondeur ou son effervescence.

Un jeu secret entre le vigneron, l’écrivain et le lecteur-buveur

Le vin et l’écrivain ne partagent-ils pas plus qu’une rime troublante ? Les sons de leurs statuts les associent dans une sorte de destinée commune. Écrivain, ce pourrait bien écrire sur le “vain”, et le “vin”. Des écrivains ont ainsi accepté de jouer le jeu d’une rencontre avec un vigneron, au terme de laquelle ils s’engagent à écrire un texte, consignant les impressions autour de cette exploration d’un vin et de celui qui le fabrique.

C’est ce texte court – 250 signes – que l’acheteur retrouvera ensuite sur la bouteille, selon un procédé technique habile et élégant : le “filotage”, concept inventé par les Veyrac. Il suffit de tirer sur un fil rouge accroché au flanc de la bouteille pour que s’ouvre une étiquette et qu’apparaissent alors les mots que ce vin a suscités. Un rideau se lève sur la scène d’un théâtre ; il ne reste plus qu’à jouer avec son auteur, c’est-à-dire à se laisser envahir par ses impressions pour les confronter aux nôtres. C’est ce fil rouge qui symbolise le lien entre le vigneron, l’écrivain et le lecteur-buveur : un jeu secret à trois dont les règles tiennent à l’entrelacement des sens et des vignes, des mots et des pauses.

“Il s’agit de leur premier texte à ‘bloire’ (boire et lire)”

A chacun de décider s’il vaut mieux les lire avant de boire, ou après. C’est au fond le même dilemme que lorsqu’il s’agit de décider s’il est préférable de lire la critique d’un film avant de le voir (la condition d’un élan vers lui) ou après le visionnage (l’éclaircissement d’une expérience).

David et Claude Veyrac précisent bien que si ces écrivains “aiment le vin passionnément”, “ils ne sont pas des spécialistes” pour autant :

“Ils ont accepté de se lancer dans cette aventure précisément parce qu’il s’agit d’une aventure : partir à la rencontre d’un autre créateur, producteur de vin et, comme des médiums, se faire les passeurs d’une émotion parmi celles qui habitent ce vin.”

Et de préciser : “Il s’agit de leur premier texte à ‘bloire’ (boire et lire, ndlr).

La traduction en mots qu’un vin suscite chez les écrivains

Les trois premiers écrivains qui ont décidé de cultiver des vins sont Colombe Schneck, Sylvie Granotier et Philippe Grimbert. Colombe Schneck s’est penchée sur un Baux de Provence 2009 de Dominique Hauvette (Cépages : Grenache noir 50%, Syrah 30%, Cabernet-Sauvignon 20%). Sylvie Granotier, elle, a rencontré Florent Rouve autour d’un blanc de Bourgogne, Mâcon village 2013 (cépage : Chardonnay). Philippe Grimbert s’est ému pour un blanc d’Alsace Gewurtzraminer 2013, produit par Marie et Jean-Paul Zusslin, au point de le baptiser “Or de vendanges”.

Ces trois premières bouteilles en annoncent d’autres, portées par de nouveaux écrivains invités à un exercice inédit qui les conduit vers des espaces jusque-là inexplorés en dehors des essais savants sur l’art de la viticulture et autres dictionnaires du vin qui pullulent dans les librairies. Avec les “vins cultivés”, les vignerons et les amateurs découvrent la traduction en mots qu’un vin suscite chez les écrivains, à la manière d’un rêve nocturne que l’on transmet, le matin, au monde.

Le site des “vins cultivés” est ici (les bouteilles s’achètent sur internet)

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2016/04/2...

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