Rone : écoute en avant-première et interview

, par  Thomas Burgel , popularité : 2%
JPEG

Prodige de l’électronique sensible et voyageuse, le Français Rone ouvre son troisième album aux quatre vents, aux brillantes collaborations et aux “créatures” : les voyages auxquels il invite sont infinis.

Creatures, à paraître la semaine prochaine, est en écoute en avant-première ici-même, accompagné d’une interview du jeune homme.

ENTRETIEN

Quand tu as commencé à composer, que cherchais-tu en créant, en toi ou en ailleurs ?

Rone - C’est une bonne question, c’est difficile de répondre. Je fais de la musique depuis mes 15 ou 16 ans, je suis passé par plein de phases, je pianotais, j’ai essayé de jouer du saxo, sans vraiment prendre des cours. La période où ça a commencé à être intéressant, où j’ai senti qu’il se passait un truc en moi, c’est à partir de 18 ou 20 ans. Je vivais dans une chambre de bonne et j’étais insomniaque. Il fallait occuper les nuits et, plutôt que de regarder la télé, je prenais beaucoup de plaisir à faire de la musique. A cette époque, j’aurais eu du mal à mettre des mots sur mes sensations, mais il y a ce morceau, Bora, sur lequel j’ai mis la voix de Damasio, qui faisait complètement écho à ce que je ressentais. Il parle à propos du bouquin qu’il est en train d’écrire, on sent qu’il est traversé par une énergie hyper positive, il sent qu’il est vivant parce qu’il crée. Vivant, la création, la joie : ça m’a parlé.

Ce sentiment de vie, de création, s’oppose à ce à quoi une insomnie peut ressembler, un trou noir, la mort, l’ennui absolu…

Oui, je crois. C’est ça, c’est ce qui me faisait avancer, même si je n’en avais pas alors encore conscience. Il n’y avait pas vraiment d’ambition, mais je ne me disais pas “Je vais devenir musicien, je vais bosser pour ça”. Bon, je dis souvent ça, mais l’idée m’a quand même sans doute un peu traversé l’esprit, seul dans ma chambre de bonne : devenir musicien, être entouré de groupies… (rires) Mais ce n’était vraiment pas un moteur. Et surtout, je n’y croyais pas : j’avais trop de respect pour les musiciens que j’adorais.

Qui étaient ces musiciens adorés ?

Ça allait dans tous les sens. Il y a eu un moment où j’écoutais beaucoup de jazz, comme un autiste, je n’écoutais que ça. J’ai écouté beaucoup de rap à une période. Et je me suis aussi ouvert à la musique électronique : j’écoutais beaucoup les groupes Warp, Aphex Twin, Autechre, Boards of Canada, Plaid… Pour moi, c’était une sphère incroyable, des extra-terrestres. J’essayais peut-être un peu de les singer, je ne sais pas. En tout cas, je cherchais des choses.

Tu parlerais d’escapisme, de voyage mental ?

Oui, complètement. Je me souviens de ces nuits où je composais, c’était un voyage temporel, je ne voyais pas le temps défiler. D’un coup, sans que je me sois rendu compte de ce qui se déroulait, le jour se levait. Pendant ces nuits, je n’étais plus dans ta petite chambre de 8m² mais dans un monde beaucoup plus vaste.

Une fois que tu as découvert cette chose, comment l’as-tu développé, filé ?

Au départ, mon studio était vraiment très réduit : c’était un ordinateur. J’essayais de choper le maximum de logiciels possible, j’en crackais beaucoup parce que je n’avais pas de sous, il y avait beaucoup de choses qui ne marchaient qu’à moitié parce que ce n’était pas des versions officielles. Mais en apprenant techniquement, j’avançais aussi artistiquement, car les deux sont vraiment liés. Je faisais des morceaux qui me semblaient de plus en plus élaborés, plus complexes. J’adorais l’idée de trouver des textures sonore particulières –c’est ce qui m’attirait beaucoup chez les mecs de Warp. J’attache beaucoup d’importance aux mélodies, mais quand j’entendais les trucs barrés de Plaid ou d’Autechre, j’adorais ne pas savoir comment ils faisaient, essayer de comprendre si ce qu’on entend un synthé ou une guitare, ne pas savoir d’où ça vient. J’adore aussi triturer les sonorités. J’ai fait mon petit chemin comme ça.

Il n’existe pas un risque de trop en savoir, de dévoiler le mystère ?

J’ai des potes qui font du son et qui sont des vrais geeks, qui m’impressionnent par leur maîtrise. Ce n’est pas vraiment mon cas. Je manque beaucoup de logique, je ne sais pas tout faire, il y a des choses que je fais sans savoir comment ça fonctionne vraiment. Il reste une part d’accident.

Qu’est-ce qui, aujourd’hui, continue à provoquer l’envie de composer ?

Il faut parfois réussir à retrouver un petit moteur. Il m’est arrivé de traverser des petites périodes de mou, à me demander pourquoi je faisais ça : tout à coup, tout devient bizarre. Là c’est mon troisième album mais, avec un peu de recul, c’est comme si ce n’était qu’un seul et même truc. Je ne sais pas exactement où je vais et ce que je cherche, mais j’ai l’impression d’acquérir quelque chose, d’avancer. Pour quelle finalité, pour aller où ? Je ne sais pas. Mais j’ai l’impression qu’il y a un chemin, des choses à tenter.

Tu as publié ton premier album il y a 5 ans environ, et vécu depuis beaucoup de choses forcément inédites : humainement, comment as-tu évolué ?

Oui, beaucoup d’expériences nouvelles, des choses qui te changent. Je le dis souvent, mais j’ai l’impression d’être moins timide qu’à une époque où c’était presque maladif. Je pense m’être un peu libéré de ça, je suis mieux avec les autres.

Ta musique a toujours été associée, sinon liée, à l’image : comment, dans ta tête, les deux s’articulent-ils ?

C’est assez flou, parce que ce n’est pas comme si je composais une musique en regardant un coucher de soleil : c’est plus abstrait que ça. Mais j’adore le cinéma, j’ai fait des études de cinéma, j’ai bouffé beaucoup d’images –j’étais un plus gros consommateur de DVDs que de disques. J’ai l’impression d’être rempli d’images. Mais plus que l’image -et là je pense au cinéma plus qu’à la peinture ou à la photo- l’important est peut-être la narration, sur cet album voire sur chacun de ses titres. Construire un morceau avec du relief, du contraste, du suspense, un “climax”… Je crois justement être allé plus loin dans le contraste sur cet album.

Pour Tohu Bohu, tu avais déménagé à Berlin : qu’y cherchais-tu, qu’y as-tu trouvé, qu’y as-tu peut-être perdu ?

Je dois revenir un peu en arrière. C’était juste après le premier album, les premiers concerts, c’était super, tout était nouveau pour moi. J’épuisais un peu la fin de la tournée, je jouais les mêmes morceaux, et il fallait faire un nouveau disque. Ça aussi, c’était nouveau pour moi : la manière de faire de la musique devenait différente. Il y avait un label derrière moi, des gens qui s’occupaient de moi, j’avais une deadline… Et presque une routine, comme un job. J’ai alors fait l’erreur d’installer mon studio en bas des locaux d’InFiné. Ils sont adorables, à la base ça semblait être une excellente idée, mais j’avais l’impression d’aller au bureau le matin, j’allais boire mon petit café en arrivant… (rires) Et ça ne marchait pas du tout : je crois que je n’ai pas fait un seul morceau en trois ou quatre mois passés là-bas. Donc je suis parti, j’avais besoin de changer complètement d’air.

Mais pourquoi Berlin, et pas New York, par exemple ?

J’avais pensé à d’autres destinations, Bruxelles, par exemple. Je ne pensais pas encore à New York mais je commence à y penser, c’est un endroit que j’adore. Non, ça a été Berlin : j’y avais fait quelques concerts, et c’est un endroit que j’avais adoré, je m’y sentais super bien, c’était la ville qui m’attirait le plus. Il y avait aussi des influences extérieures, des amis qui s’y étaient installés, qui me disaient que c’était génial… Et c’est vrai que ça m’a ouvert le crâne. Un changement total d’atmosphère et de rythme. C’était beaucoup plus relax. A Paris, je m’énervais, il fallait que je fasse ce disque, je me mettais la pression pour faire un morceau et c’était évidemment ridicule : tout était mauvais, voire rien ne sortait. A Berlin, qui est une ville beaucoup plus cool que Paris, j’étais hyper relax, je pouvais ne rien faire pendant 5 jours. Une sensation de sérénité. Paradoxalement, de ce calme est venue une effervescence créative et les choses ont fusé. J’avais trouvé un petit studio, super cool, un peu roots mais super cool, j’y passais beaucoup de temps. L’album s’est fait très rapidement, c’était très agréable.

Tu étais alors un peu reclus : c’était un album introspectif ?

Je crois que les trois le sont -même Creatures, malgré les collaborations. Je le trouve très intime, presque plus que Tohu Bohu. Il y a des invités, des choses qui me sont étrangères, mais je crois être allé chercher des choses plus loin en moi. On entend la voix de ma fille sur un morceau, plein de petites choses qui en font un album assez intime.

Tu es sorti de Tohu Bohu dans quel état ?

Pour le premier album, il y avait eu des retours. Mais comme j’étais inconnu, ce n’étaient que des retours positifs : j’imagine que les gens qui n’aiment pas le disque d’un inconnu n’en parlent pas. Pour Tohu Bohu, c’était différent : il y a eu quelques critiques positives, d’autres négatives, certaines constructives. Il y a surtout eu une grosse tournée qui s’est déroulée après l’album : le temps se met à filer, tu es pris dans une spirale, tu te nourris de plein de choses. Il s’est passé plein de choses, j’ai tourné aux Etats-Unis où j’ai rencontré Bryce Dessner de The National, ce qui a débouché sur une collaboration sur leur disque, puis sur le mien… Voilà, deux années très, très intenses. Mais à certains moments, je me disais que j’avais besoin de faire un break. Pour Creatures, j’ai dit que je devais bloquer une période, j’ai dit trois mois aux gens du label, et ils l’ont très bien compris. Trois mois de tranquillité pour faire le disque.

Pour faire le disque, mais pas pour te reposer, te ressourcer un peu ?

Un peu des deux, finalement : le processus de composition, de création, au tout départ, est lié au fait de se ressourcer. En studio, je cherche, et du coup je me cherche moi-même. Il y a beaucoup de journées où rien ne sort, mais elles ne sont pas improductives, ce sont des journées constructives. Tu fais du son, tu cherches, tu as l’impression qu’il ne se passe rien, puis quelque chose arrive.

En quoi avais-tu évolué, humainement ou en tant que musicien, avant ces trois mois passés sur Creatures ?

Je me demande parfois quel est le sens de tout ça, ça peut aller très loin. J’ai fait des trucs que je voulais essayer de faire, parfois ça ne marchait pas, j’ai essayé d’aller plus loin… Des expériences. Quand je termine un disque, ça me donne tout de suite envie d’essayer d’autres choses, de passer à la suite. Des choses que je n’ai pas réussi à faire, des choses dont je n’avais pas conscience en composant. Je suis content de Creatures, soulagé, presque comme un accouchement. Mais il y a toujours des frustrations. Constructives et positives : c’est une stimulation pour continuer, pour aller ailleurs.

Creatures est très collaboratif. L’idée t’es venue dès le début du processus ?

J’avais très envie de travailler avec des gens. J’avais envie d’échanger, de parler, de faire des rencontres. J’ai passé beaucoup de temps à travailler tout seul, c’est quelque chose que j’aime beaucoup. La solitude peut sembler effrayante, mais manquer de solitude me semble plus d’effrayant encore : j’ai besoin de m’isoler et ça peut être difficile, avec la vie de famille, les obligations professionnelles, de trouver le temps pour se retrouver. L’équilibre est difficile à trouver, mais il est important : être seul, c’est aussi mieux retrouver les autres quand tu ne l’es plus. Si je ne faisais que du studio, je deviendrais fou. Mais si je ne faisais que des tournées, entouré de gens, je deviendrais fou aussi.

Tu composes toujours la nuit ?

Ça a un peu changé. Maintenant, j’adore composer très tôt le matin. A l’heure à laquelle je me couchais auparavant… J’ai un petit bébé, donc il m’arrive de me réveiller très tôt. Et c’est marrant parce que je suis un peu dans le même état, un peu bizarre, que quand je composais à l’aube en rentrant d’une soirée. Avant même de prendre une douche ou un café, c’est un moment où ton cerveau n’est pas encore réveillé, où les choses sortent sans réflexion : il se passe des choses intéressantes dans ces moments-là, des choses que je peux retravailler ensuite, pendant la journée, quand je suis plus alerte.

Tu avais quelque chose de particulier en tête, pour Creatures ? Tu savais comment il allait sonner ?

Comme pour mes deux précédents albums, les choses étaient d’abord très floues, ce que je voulais n’était pas clair du tout. J’ai un petit carnet sur lequel je note souvent des choses, des pistes, des idées que je jette comme ça, mais c’était aussi très flou –je n’arrive d’ailleurs pas toujours à me relire. Je n’avais pas d’idées sur les collaborations, sur la forme qu’allait prendre le disque. J’essaie toujours de laisser l’inconscient prendre le dessus sur la réflexion. Je ne sais pas écrire la musique : les mélodies que j’ai en tête, je les retranscris plus en bidouillant, je cherche, je cherche, jusqu’à ce que quelque chose jaillisse, et je peux ensuite développer. L’idée de “créatures”, par exemple, a surgi au milieu de l’album, avec Lilly Wood, ma copine, qui cherchait un univers graphique pour le disque. Parce ce que ces machines que je triturais sortaient des sons que je ne contrôlais plus, parce qu’il y avait ces titres faits en collaboration, rafistolés comme Frankenstein…

“Créatures” : le pluriel semble important.

Oui, je me suis rapidement dit que ça devait être au pluriel. Ces créatures, ce sont tous les morceaux. Et faire ces morceaux, c’est comme faire plein de petits enfants : tu en es l’auteur mais le truc t’échappe un peu, et il finit par avoir sa propre vie. Cette petite idée de créature nous a emmenés très loin, et elle est au finale très cohérente. Ca s’est imposé naturellement, agréablement, comme beaucoup de choses sur ce disque. Ca a aussi été le cas des collaborations. Daho, ça s’est fait parce qu’il m’avait demandé un remix. C’était justement au début de ces trois mois où je comptais tout refuser : tout à coup, j’ai un mail d’Etienne Daho qui me demandait un remix. J’ai évidemment repoussé le reste… (rires) Comme je le sentais enthousiaste, je lui ai demandé de chanter sur mon disque. Pour Frànçois, les choses se sont faites aussi très naturellement. Je ne le connaissais pas, il était venu me voir à la fin d’un concert à Bordeaux, on a discuté… Puis il m’a envoyé une maquette, un morceau qu’il avait écrit à la fin de mon concert. Il m’a dit qu’il aimerait bien le faire avec moi, je lui ai dit que ce serait parfait pour l’album, et banco, on a fait ce morceau ensemble.

Ces créatures dont tu parles, tes morceaux, vont plus loin que sur les deux précédents albums dans le mélange entre le synthétique et l’organique, la chair et l’électronique…

C’est marrant parce que l’une des petites phrases que j’avais écrites sur mon carnet était “faire sonner les sons électroniques comme s’ils étaient acoustiques et les sons acoustiques comme s’ils étaient électroniques”. C’était une belle idée… Je voulais brouiller les pistes, je ne sais pas si c’est totalement réussi, mais j’avais envie de ça. Il y a beaucoup de moments où j’ai essayé de noyer les choses les unes dans les autres. La trompette de Toshinori Kondo, sur Acid Reflux, j’ai essayé d’en faire une nappe synthétique, qui se ferait passer pour une de mes machines. Mais je n’ai pas toujours fonctionné comme ça. Sur Freaks, j’ai fait jouer Gaspar Claus et j’ai décidé de travailler sur les contrastes plutôt que sur le mélange : j’ai pris un enregistrement très brut de son violoncelle, un enregistrement qu’il avait fait chez lui avec un micro dégueulasse, et je l’ai frotté à des synthés très froids.

Tu parles de contraste mais plus que contrasté, Creatures est un disque assez extrême : à la fois très pop et expérimental, très tordu et très mélodique… C’est quelque chose que tu cherchais ?

Oui. Ce mot contraste est important pour moi depuis longtemps. Je voulais du relief, des choses très douces et des choses très violentes. J’adore l’idée d’avoir une mélodie très douce et aérienne, avec un gros pied très lourd derrière. Ces contrastes peuvent se faire au sein d’un même morceau. Mais c’est aussi la manière dont les titres s’enchaînent : c’est fascinant de faire une tracklist, de voir comment les morceaux vont résonner les uns avec les autres. J’aime cette idée de passer par plein d’humeurs, de sensations, de parfois ne plus vraiment savoir si on est bien ou pas bien. Il y a des choses un peu grandiloquentes, assumées, et des choses plus intimes, un peu maladroites : je cherche toujours le grand écart.

Tu dis que c’est peut-être ton album le plus intime, alors que c’est paradoxalement celui où il y a le plus d’invités : comment l’expliques-tu ?

J’aime l’idée de me dire que ce sont eux qui m’ont révélé à moi-même pour certains trucs. Par exemple, par le biais de Frànçois ou de Daho, oser faire une chanson, avoir l’audace de dire les choses en français. J’avais peut-être besoin d’eux pour le faire. Mais je ne me suis pas perdu dans ces collaborations, je me retrouve pleinement dans tous ces morceaux : il y a quelque chose de très beau dans ces échanges, dans ce paradoxe. Avec Etienne Daho, c’était assez fascinant. Il s’est beaucoup impliqué, il s’est approprié le morceau, il prenait des nouvelles du petit, me demandait comment allait notre bébé… (rires)

Ces créatures, ce sont celles que tu as en toi ?

Justement, j’ai l’impression qu’elles ne m’appartiennent plus. Il y a des interprétations qui viennent après, mais je pense à la pochette qu’a faite Lilly Wood. Je pense qu’elle ne voulait rien symboliser, elle s’est lâchée dans une espère ce délire. On voit mon visage plongé dans l’herbe, et il y a ces petites créatures dans le reflet de mes lunettes. Au départ, j’y voyais les gens qui venaient à mes concerts. Mais elles sont aussi les démons intérieurs. Gentils ou méchants, ceux qui te guident, que tu ne maîtrises pas.

Lesquels seraient les plus “mauvais” ?

Spontanément, je répondrais ceux qui me poussent à être paresseux, à baisser les bras. Mais avec le temps, je me rends compte que ça peut être une forme de qualité : il existe une fausse paresse pendant laquelle il se construit plein de choses.

Si tu devais, en images, décrire ton album, comment le ferais-tu ?

Quand on a travaillé sur les lumières et la scénographie pour mon concert aux Transmusicales, j’ai envoyé beaucoup d’images à ceux qui l’ont créée, des images de film. Ca m’a obligé à trouver des images qui collaient aux morceaux, ce qui n’était pas évident. Il y avait beaucoup d’expressionnisme allemand, comme le Cabinet du Docteur Caligari, des images avec des grandes ombres, ça revenait assez souvent. Mais j’aime tellement de cinémas différents que les références allaient dans tous les sens.

Tu penses déjà à la suite ? A la tournée ?

Oui. Je suis dans plein de choses différentes. Cette période, quand tu as finis un album, est assez marrante. C’est à la fois un peu creux, car le disque est fait, mais il y a beaucoup de choses à préparer. Je passe aussi déjà pas mal de temps en studio, sur des projets parallèles. C’est une période où j’ai le sentiment qu’il se passe plein de choses sans que je ne fasse rien. On va faire faire des remixes, c’est une idée que j’adore, encore plus avec cette idée de créatures. Pareil pour les clips, il y en a plusieurs qui sont en train d’être faits. Ce sont des potes qui les font, ils sont très différents les uns des autres, on échange beaucoup. J’ai aussi des projets pour le cinéma : je commence à recevoir des scénarios, c’est assez fou car on me propose de plus en plus de choses, c’est un vrai luxe, il a fallu que j’apprenne à dire non.

On a l’impression que ça ne s’arrête jamais, dans ta tête, et que ça va très vite…

Oui… Quand je dis que je dois au maximum laisser l’inconscient l’emporter sur la réflexion, c’est une règle importante que j’essaie de me fixer, parce que je sais que l’inverse n’est pas très productif : c’est exactement ce qui s’est passé quand je travaillais dans le studio en bas des locaux d’InFiné, ça ne marchait pas. Je passais ma journée à réfléchir, “Qui suis-je ? Où vais-je ?”, à réfléchir et à ne finalement rien réussir. J’ai fini par me dire qu’il fallait faire et réfléchir ensuite. Ou de prendre le temps de la réflexion, qui correspondrait à ces moments de paresse, qui serait une forme de maturation, puis de tout lâcher –mais cette fois sans réfléchir, du tout. Laisser mes morceaux prendre vie en dehors de ma création, c’est peut-être un moyen de se débarrasser des mauvaises questions : “Est-ce que ce n’est pas un peu trop cheap, qu’est-ce qu’on va penser de moi ?” Il faut un rapport direct, physique à la musique. Elle doit être plus viscérale qu’intellectuelle.

Ces derniers mois ou ces dernières années, des artistes t’ont-ils particulièrement marqué, influencé ?

Il y en a une rafale… Il y a Clark, qui est quelqu’un que j’aime beaucoup, que je trouve fascinant. Je n’ai pas encore eu le temps d’écouter son dernier album, mais je trouve ce qu’il a fait assez fascinant. La découverte de Sufjan Stevens, par le biais de Bryce en l’occurrence, m’a aussi ouvert le crâne. Je ne connaissais pas François & the Atlas Mountains avant notre rencontre, mais j’adore leur dernier album, cette idée d’expérimenter, mais dans un format très pop, quelque chose de très viscéral qui m’a beaucoup touché. Le dernier album d’Etienne Daho est aussi sublime. Mais j’ai beaucoup de retard : quand j’étais sur mon album, je n’écoutais pas grand-chose, je passais mes journées à faire du son, et je n’avais envie que de silence quand je m’arrêtais. Mais la perspective de tourner m’excite aussi pour ça : je vais avoir du temps pour écouter des tonnes de choses.

Propos recueillis par Thomas Burgel

Concerts : 7/2 Grenoble, 13/2 Dijon, 20/2 Reims, 21/2 Strasbourg, 6/3 Ris-Orangis, 7/3 Caen, 20/3 Nancy, 26/3 Nîmes, 27/3 Clermont-Ferrand, 13/5 Bruxelles (Les Nuits Botaniques)

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2015/02/0...

Publications Derniers articles publiés

Sites favoris Tous les sites

84 sites référencés dans ce secteur