“Schnock” : la nostalgie a de l’avenir

, par  Laurent David Samama , popularité : 2%
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Paris, automne 2014. A quelques encablures de la place de la République, le chanteur Alister nous attend à la terrasse d’un café. Veste en jean, barbe presque épaisse et cheveux longs, tout dans son style semble trahir une passion à peine voilée pour les seventies. A la ville, Alister s’appelle Christophe Ernault et il dirige la revue Schnock, un mook destiné “aux vieux de 27 à 87 ans”, tantôt sérieux, tantôt décalé, parlant au présent de la culture populaire d’hier.

Fondée en mai 2011, la revue éditée par les éditions La Tengo bénéficie d’un accueil favorable, et rassemble plus de 10 000 lecteurs par numéro, un joli score pour un nouvel arrivant dans une économie de l’édition touchée par la crise. Comme un pied de nez à notre société bienséante, après Coluche, Jean Yanne et Serge Gainsbourg, le trimestriel Schnock affichait pour son douzième numéro l’humoriste Pierre Desproges en couverture. Un carton ! Quelques milliers d’exemplaires supplémentaires ont été réimprimés pour l’occasion…

“Nostalgie d’une époque où l’on se posait beaucoup moins de questions… ”

Auteure d’un essai sur le vintage paru dans la collection “Le Monde expliqué aux vieux”, la journaliste Philothée Gaymard analyse : “Schnock promeut une vision du passé plus rigolote et légère que celle du présent. Jean-Pierre Marielle en une du premier numéro, ça fait penser au film Calmos dans lequel il joue le rôle d’un homme poussé à bout par les femmes, et qui choisit d’aller s’enfermer à la campagne avec ses copains pour faire bombance.” En bref, “dans une société où l’on accorde de plus en plus d’importance à notre responsabilité individuelle et collective, Schnock alimente la nostalgie d’une époque où l’on se posait beaucoup moins de questions : on mangeait du poulet aux hormones et on roulait trop vite sans vraiment se soucier des conséquences…

Dans une période dite de pertes de repères, la nostalgie constitue une valeur-refuge de la pensée. Au même titre que les stations RFM ou Nostalgie, Schnock rassure en déroulant le fil d’un passé que les années ont enjolivé. Mais là où les spécialistes du genre flirtent avec le “c’était mieux avant”, la revue propose, elle, de plonger dans le passé avec “enthousiasme et décalage”, raconte le cinéma et la musique d’hier avec l’œil acéré des auteurs branchés d’aujourd’hui.

Schnock ou l’anti-buzz

Pour autant, la nostalgie cool servie par la rédaction n’explique pas à elle seule ce succès. D’autres facteurs entrent en compte, comme le choix du format mook, hybride entre le livre et le magazine, en vogue depuis l’apparition sur le marché français de la revue XXI. Vendu au prix de 14,50€, Schnock s’adresse à un lecteur entre 35 et 60 ans, plutôt masculin et déjà habitué à se rendre en librairie pour un achat plaisir.

Au fil du temps, Schnock a réussi à fédérer un public grâce à son côté pop, puis fidélisé par un rejet assumé de l’aspect commercial. Journaliste et plume récurrente, Mathieu Alterman assène : “C’est l’absence de tout marketing, de tout dogme et de toute stratégie qui nous caractérise. Le buzz est un gros mot. On passe pour des martiens. Mais des gentils !Schnock est donc, avant tout, affaire de passion. D’ailleurs, Christophe Ernault l’assure : “Tout a commencé comme une pochade, on ne pensait pas que ça durerait !” Mais voilà, le succès est au rendez-vous, la bibliothèque d’Harvard a commandé l’intégralité des numéros déjà publiés et le prestigieux New York Times s’est récemment fait l’écho de cette réussite. Du coup, Alister, chanteur, auteur et rédacteur en chef sur le tard, se prend au jeu : “Il va falloir progresser si l’on ne veut pas décliner. La marque Schnock” va donc se diversifier. Musique, édition… Projets et sollicitations ne manquent pas. Reste à ne pas perdre son âme.

Voir en ligne : http://www.lesinrocks.com/2014/12/0...

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