Se laisser toucher par FAUVE @ Paul B. | 16.11.2013

, par  Isatagada , popularité : 2%

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A l’arrivée à Paul B., le stand merch affiche sur une feuille A4 : « Nous serons de retour après le concert ». Le concert est sold out depuis un moment et le public est contrasté. En bas, dans la fosse, la moyenne d’âge est plutôt jeune (les 15-20 ans sont bien représentés) tandis qu’au balcon, assis, les quarantenaires et plus, dont certainement quelques parents, sont plus nombreux. La salle est comble bien avant le début du concert en tout cas, et l’immensité de l’attente, palpable. A l’arrivée du groupe sur scène, ce n’est pas l’explosion attendue pourtant. Un peu comme si l’assistance restait intimidée face à ses héros. Après l’intro, puis Sainte-Anne, au collectif qui s’en étonne, quelqu’un répond : « On est ému, c’est pour ça ». Les encouragements ne se font pas attendre, le public applaudissant en cadence sur les premières notes de Haut les cœurs. Ce public qui, c’est vrai, n’est pas très bruyant, boit littéralement les paroles du collectif : « Faut pas attendre qu’il soit trop tard pour dire aux autres qu’on a besoin d’eux, qu’on plongerait devant les balles rien que pour eux, qu’on sera toujours là […] il faut se dire des belles choses, qu’on gardera pour plus tard ».

Car il vient surtout de là, le succès de FAUVE : des mots. Et en effet, sur scène plus qu’ailleurs, on s’en rend compte, il ne s’agit pas de chant ni de rap ni de slam. Le terme « spoken words », qu’ils reprennent à leur compte, n’est pas un là pour faire hype, bien au contraire. Avec une cadence plus que soutenue, mais sans chercher à imprimer un rythme musical quelconque aux mots ni à les faire rimer à tout prix, on a plutôt le sentiment que ce type qui arpente la scène de gauche à droite comme un lion en cage est un narrateur qui nous inviterait à la lecture à grande vitesse d’un journal intime. L’important, l’essentiel, ce sont les textes ; bien joué : c’est ce qui frappe immédiatement. Pas une seconde, le groupe ne revendique d’ailleurs le statut de chanteurs. Sur 4000 Îles, ils le rappellent : « C’est le seul titre sur lequel on chante un peu, alors je sais qu’on n’est pas un groupe de rock ni rien, mais si vous pouviez nous aider… ». Même les vidéos, qui font, depuis le début, partie intégrante du projet, illustrent le propos sans focaliser l’attention à outrance. Plongée dans le noir, la scène n’est éclairée que par ces images qui défilent (Paris, un extrait de Retour vers le futur, des escalators, des silhouettes, la mer…), masquant le plus souvent le visage des membres du groupe. Si on les a accusés d’en faire trop en revendiquant ce statut de Collectif au sein duquel aucun ne souhaite se mettre en avant, il est impossible, lorsqu‘on les a sous les yeux, de douter de cette sincérité. Bien sûr, on pourrait leur reprocher de ne pas s’apercevoir de la puissance évocatrice de leur porte-parole, dont l’intensité et la fièvre sont évidemment tout sauf banales. Mais leur reprocher cette pudeur, cette humilité, même ? Non, vraiment pas.

« Alors, j’vais pas t’mentir, sur le marché j’suis pas forcément c’qu’y a de meilleur. Parce que j’suis bancal, menteur, pas fiable, jamais à l’heure. Mais si tu veux, j’peux m’faire boxeur, voleur, chauffeur, docteur, serviteur, dresseur de lions. » (Rub a dub). Ce qu’on ne peut pas s’empêcher d’aimer, chez FAUVE, c’est cette revendication d’une certaine normalité (mieux, un droit à l’imperfection) couplée à cette certitude que pour autant, tout est possible. Comme un contre-pied total à cette génération dépassée par le diktat du paraître, FAUVE, au contraire, n’a pas peur de dire ses défauts. Forcément, nombreux sont ceux qu’ils soulagent en affirmant qu’on n’est pas obligé d’agir comme si on était si fort, si sûr de soi. Le message est inhabituel : en avouant leurs propres faiblesses, c’est comme s’ils incitaient leur audience à faire de même. Peut-être pour ça qu’ils semblaient si désemparés, devant le silence quasi religieux qui les avait accueillis. Plus qu’un concert, c’est en fait une main tendue ce set, une invitation au dialogue autant qu’à l’optimisme. Et ça prend. Le parleur interpelle la salle et la salle lui répond. Une sorte d’intimité s’est installée. Par moment, c’est carrément détendu, presque drôle. « – On est venus de loin pour vous voir ! – Ah oui, d’où ? – de Paris. – Putain, j’vous jure, il n’y a que des parisiens pour dire un truc pareil ! ».  Et on sent qu’ils n’attendaient que ça, les FAUVE, qu’il n’y que ça, presque, qui les intéresse : créer le lien.

A force, devant autant d’honnêteté (« Celle-là on va vous la jouer, c’est le moment « date » de la soirée. Ok elle est un peu gnangnan mais on l’aime bien en fait. Et puis aussi, on n’en a pas tant que ça, des chansons »), de simplicité, de bons et grands sentiments évidents sans doute mais … justement, vient le moment où il ne sert plus à rien de résister.

« C’est pour ça qu’il faut pas que tu désespères, perds pas espoir, promis juré on la vivra notre putain de belle histoire. Ce sera plus des mensonges. Quelque chose de grand. Qui sauve la vie / qui trompe la mort / qui déglingue enfin le blizzard ». Et tant pis pour ceux qui ne croient plus en rien, les fâcheux, les cyniques. Car face à eux, ils sont des milliers, visiblement, qui écoutent et téléchargent et achètent des places à les faire jouer à guichet fermé, des centaines de milliers, des millions peut-être, à n’avoir attendu que ces gars-là pour oser, se donner du courage, avoir la preuve qu’ils ne sont pas seuls, malgré tout ce qu’on leur avait donné à penser. Et merde pour le Blizzard !

« Tu es infiniment nombreux. Celui qui méprise, celui qui blesse, celui qui aime, celui qui cherche, et tous les autres ensemble. Trompe-toi, sois imprudent, tout n’est pas fragile. N’attends rien que de toi, parce que tu es sacré, parce que tu es en vie, parce que le plus important n’est pas ce que tu es mais ce que tu as choisi d’être. » (Blizzard). Comment ne pas entendre ? Etre touché, ému en effet ? Par cette soif de vie, ce besoin de vibrer, cette exaltation. Cette humanité. Cette rage d’aimer en fin de compte. (« Parce que t’es beau / Comme une planète / J’ t’ai dans la peau, j’ t’ai dans la têten ». Kané, en final énergique et énervé.)

« On n’est pas très photos, mais si tu veux discuter et boire des coups, ça on aime bien ». On n’a pas fait ça. On regrette un peu. Mais on est convaincu de toute façon. Même si on n’est pas sûr que le projet, pour rester beau, ait vocation à durer dans le temps, les FAUVE auront au moins créé un élan, sans imaginer sans doute à quel point ils trouveraient écho dans cette génération.

Quand bien même : l’art éphémère, qu’y a t’il de plus précieux après tout ? Et comme on aurait tort de ne pas les écouter…

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