“Strip-Tease” : le festin nu

, par  Jérôme Provençal , popularité : 2%

Suscitant l’adhésion enthousiaste des uns et la réprobation virulente des autres, Strip-Tease reste l’une des émissions de télévision les plus controversées de ces vingt dernières années. Imaginée par deux reporters belges, Marco Lamensch et Jean Libon, elle a été diffusée sur la RTBF à partir de 1985 (et jusqu’en 2002), avant de faire son apparition sur France 3 en 1992.

Comme son titre le suggère clairement, Strip-Tease ambitionne de mettre à nu la société belge ou française par le biais d’enquêtes de durées – du (très) court au moyen/long métrage – et de tonalités – du drôle au tragique, en passant par toutes les nuances intermédiaires possibles – très variables. Prenant pour sujet des individus lambda suivis dans leur vie quotidienne, chez eux et/ou sur leur lieu de travail, les documentaires estampillés Strip-Tease s’attachent à faire oublier au maximum la présence de la caméra afin de créer chez le téléspectateur un sentiment de grande proximité avec les personnes filmées. Sans commentaire, et (à de rares exceptions) sans autre intervention orale des journalistes/ réalisateurs, tournés en caméra à l’épaule, les films se présentent ainsi sous une forme très brute, dans la stimulante lignée du cinéma direct à l’américaine (Frederick Wiseman en tête).

Dans une note d’intention écrite au moment du lancement de l’émission en France, les concepteurs de Strip-Tease affirmaient vouloir créer “une émission documentaire qu’on n’aille pas voir avec des semelles de plomb mais qu’on choisisse pour le plaisir et la jubilation qu’elle nous procure”. Vingt ans après, les Éditions Montparnasse proposent fort opportunément à chacun de juger sur pièces grâce à un coffret de trois DVD qui rassemble dix-sept films datant de 1985 à 2011 – soit un quart de siècle d’investigation sur le terrain du réel.

Le bilan de cette séance de visionnage s’avère largement positif. Si, selon nous, aucun de ces films ne cède au voyeurisme ou au sensationnalisme (deux critiques récurrentes contre l’émission), certains – la plupart de ceux du deuxième DVD, le plus inconsistant des trois – pêchent par excès de superficialité, trahissant de facto un travail d’imprégnation (ou d’approche, pour reprendre la terminologie employée par Raymond Depardon pour ses Profils paysans) insuffisamment long et rigoureux.

Convainquent bien davantage les films qui, rompant avec la banalité hâtive du reportage télé, ont manifestement pris le temps nécessaire pour extraire toute la sève d’existences ordinaires : Diplôme en jeux et Dans les yeux de ma mère, qui décrivent tous deux les relations houleuses entre une mère et son fils ; Sorti du troupeau, qui brosse le portrait d’un jeune paysan rêvant de devenir mannequin, et Fumiers !, qui retrace un ubuesque conflit de voisinage dans un petit village, offrent d’excellents exemples de la justesse teintée d’impertinence dont Strip-Tease, à son meilleur, sait faire preuve.

Strip-Tease coffret 3 DVD (Éditions Montparnasse, environ 2 5 €)

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2013/01/1...

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