10e anniversaire de la mort de Joe Strummer : les Clash, plus beau groupe du monde

, par  Jean-Luc Manet , popularité : 2%

clash

C’était quand même le plus beau groupe du monde. La sève exhaustive de la rock’n’roll attitude, le digest ultime à l’usage de tous les apprentis poseurs. Et le plus confondant est d’entendre ces légendaires postures sur le nouvel album live et posthume. On entend même que ça. Les grognards se souviendrons qu’un concert des fils de Brixton n’avait rien à voir avec le disque en question, certes magnifique, mais virtuel et théorique.

Pour sûr, lapalissade et pléonasme, le chaos aurait fait désordre au creux du lobe, mais ce From Here to Eternity est bien trop beau pour être vrai. Martial et fier, farouche et âpre : à l’instar donc, non pas du son de Clash, mais de son image insurgée.

On y distingue clairement les longues jambes à l’équerre de Paul Simonon, la basse sur les rotules et le faciès renfrogné d’un James Dean mal essoré. Beau gosse, Géant, blond et sombre, cuir et sang, arpentant la scène d’avant en arrière par propulsions intermittentes de ses interminables compas. L’étalon punk dirons-nous.

Sur l’autre aile Mick Jones, en exégète du mythe, pérennisait à lui seul tout le rock’n’roll. Genoux cagneux, hargneux, le manche de la guitare pointé vers la salle. Cette machine tue les fascistes et réssuscite Keith Richards. Lui, c’était le félin de la meute : la moue lasse et le bras souple, le corps en léger déséquilibre arrière. Tantôt en cuir, col remonté, tantôt en chemise kaki, manches retroussées : démon des villes ou charpentier de la révolution en marche.

Au centre, avec l’œil mauvais du chasseur de buts, se tenait Joe Strummer. Nerveux et raide comme la justice. La quille droite fixe et rigide, dans l’alignement du micro, la gauche arc-boutée à angle droit, frappant méchamment le sol du talon. Son visage taillé à la serpe, menton altier et légèrement relevé, soutenait du regard le reste de l’humanité. Vince Taylor rencontre Jean Marais, Wilko Johnson et Wayne Kramer épaulent Robert Mitchum à la rédaction de slogans à la fois engagés et élégiaques. C’était du pur folklore urbain. D’ailleurs, les jeux de jambes conjugués de Jones et Strummer avaient, dans cet ordre, une petite tendance faucille et marteau toujours bon enfant lorsque des gosses de la rue montent sur le ring. D’un côté ça virevoltait dans la surface, de l’autre ça cognait dur.

Un activisme prolétarien et conquérant

A propos de cogner, planqué derrière ses fûts, Topper Headon tenait la maison et fourbissait les outils d’un état de guerre permanent. Petit et fragile, il était l’armurier du clan et le garant donc des luttes armées. Toujours mobilisé, les Guns of Brixton en bandoulière, un peu cow-boys ou desperados aussi (The Magnificent Seven), Clash investissait la scène comme on monte au front. Treillis, rangers, drapeaux au vent en guise de décor mondialiste et messages au pochoir sur des guitares déguisées en caisses de grenades. Entre émeute suburbaines, guérilla sud-américaine et Last Exit to Brooklyn, les shows des quatre snipers punks véhiculaient une sorte de rébellion magnifiée, intègre, que seul le MC5 avait déflorée avant lui.

Sans jamais empiéter sur le ridicule racoleur d’un Trust, Clash renvoyait une image noble d’un activisme prolétarien et conquérant. Vindicatif certes, mais plus crâne qu’énervé. Le titre Spanish Bombs (de London Calling) aurait explicité cela à merveille sur l’album en public. Sa seule lacune du reste. Mais cette poésie du pavé, unique, y reprend quand même toutes ses teintes d’origine. Et aucun handicap musical ou culturel ne faisait le poids face à ce lyrisme famélique de corsaires au long cours. L’insurrection clashienne éclipsait de sa classe tout le reste du tapage destroy. D’ailleurs, si chaque groupe phare engendra une légion de clones, peu de kamikazes se placèrent dans ce sillage-là. Il est vrai que vouloir tenir la comparaison eut été suicidaire. Trop d’élégance, trop de détermination : on ne remplacera jamais la conscience de Clash.

Cet article est repris du site http://www.lesinrocks.com/2012/12/2...

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